
MARS 2025
Cette fiche est rédigée à l’attention des tou·tes les enseignant·e·s et éducateur·rices de secondaire. Elle propose différentes pistes de réflexion parmi lesquelles choisir afin de mener une discussion de 15 minutes (ou plus si le contexte le permet). Crédit photo : iStock
Les faits
Début mars, la Commission européenne a présenté un plan historique pour renforcer la défense du continent. En toile de fond : le changement de ton des Etats-Unis en matière de défense et leur rapprochement avec la Russie.
Ce plan, baptisé « Rearm Europe », prévoit de mobiliser 800 milliards d’euros pour muscler l’arsenal militaire européen. L’annonce est intervenue quelques heures après que les États-Unis ont suspendu leur aide militaire à l’Ukraine, trois ans après l’invasion de son territoire par la Russie.
Aussi soudain que bref (l’aide américaine a repris depuis lors), le revirement des Etats-Unis a fait suite à un violent échange, au cours duquel Donald Trump et son vice-Président JD Vance ont menacé le président ukrainien Volodymyr Zelensky de laisser tomber l’Ukraine. En jeu : l’exploitation de minerais ukrainiens et l’appui sécuritaire américain.
Depuis sa réélection à la Maison Blanche, Donald Trump s’est rapproché de son homologue russe Vladimir Poutine. Le président américain reproche également de longue date à l’Europe de ne pas dépenser suffisamment en matière de défense et de déléguer le coût de sa sécurité aux Etats-Unis dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Celui-ci garantit une assistance mutuelle en cas d’agression d’un de ses États membres.
Les Etats-Unis, champions des dépenses militaires
Avec des dépenses militaires proches de 970 milliards de dollars l’année dernière, les Etats-Unis sont le pays membre de l’OTAN qui dépense le plus en matière de défense, devant tous les États européens réunis.
Toutefois, lorsque l’on rapporte ces dépenses au Produit intérieur brut (PIB), la Pologne arrive en tête. Alors que Donald Trump demande aux Européens de porter leurs dépenses militaires à hauteur de 5% de leur PIB national, la Pologne (4,12%) et l’Estonie (3,43%) devançaient les Etats-Unis (3,38%) à cet égard en 2024.
L’OTAN requiert de ses Etats membres qu’ils consacrent au moins 2% de leur PIB aux dépenses militaires. Mais une poignée d’entre eux n’atteignent pas ce seuil. C’est notamment le cas de la Belgique (avec 1,3%).
Des milliards d’euros supplémentaires à trouver
Chez nous, l’augmentation des dépenses de défense exigera des adaptations budgétaires. Le gouvernement fédéral entend porter les investissements à 2% du PIB dès cet été, au lieu de 2029, comme initialement prévu. Cela représente 4 milliards d’euros supplémentaires à trouver cette année, et 17,2 milliards sur l’ensemble de la législature.
Les règles budgétaires européennes pourraient être assouplies pour permettre aux Etats membres de s’endetter mais cela n’empêcherait pas le déficit de l’Etat belge de se creuser, a prévenu le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem. A moins de prendre des mesures d’économies supplémentaires.
Penser les faits : quelques pistes
Sécurité, paix sociale et bien-être
Les États européens ont décidé d’investir massivement dans leur réarmement. Ces décisions budgétaires sont prises rapidement, notamment en Belgique. Mais où ira-t-on chercher cet argent ?
Faut-il augmenter les impôts ? Faut-il diminuer les autres dépenses publiques ? Quels principes généraux doivent guider cette décision ? À partir de quand peut-on estimer que le risque est suffisamment important pour puiser dans d’autres secteurs nécessaires pour les individu·es et la société ? N’y a-t-il pas là un risque pour le bien-être des populations et donc pour la stabilité à l’intérieur des pays ? Qu’entend-on par « bien-être » ? Quels effets ces décisions peuvent-elles avoir sur la paix sociale ?
Vu le peu d’opposition qu’on entend face à ces décisions, peut-on encore ne pas être d’accord ? Se réarmer est-il la chose la plus importante et la plus urgente à faire par une société confrontée à des défis tels que la pauvreté, le sentiment d’insécurité, le dérèglement climatique, la préservation de l’environnement, la montée du racisme, etc. ?
Temps de guerre et temps de paix
Lorsqu’une menace de guerre survient, le proverbe latin Si vis pacem para bellum (Si tu veux la paix, prépare la guerre) est souvent cité. N’est-ce pas paradoxal de s’armer pour avoir la paix ? Une fois armé·e, n’est-on pas tenté·e de se servir de son arsenal ?
Le fait d’être en guerre est rarement (à moins d’envahir un pays) un choix et le contexte peut très vite évoluer dans un sens comme dans l’autre. Dans cette optique, ne vaut-il pas la peine d’être préparé·e ? Se réarmer et apprendre à nous défendre pourrait-il nous apaiser ? Dans ce cas jusqu’où doit-on aller pour se préparer ?
Prendre les armes ?
Supprimé en février 1995, le service militaire était un moyen pour les jeunes hommes belges d’acquérir des compétences utiles en cas de conflit armé. On parle désormais de réinstaurer le service militaire sur une base volontaire en Belgique. Quelle idée vous en faites-vous ? Y êtes-vous favorable ?
Certaines personnes refusent de porter des armes afin d’être sûres de ne pas commettre des actes que leur morale réprouve. Par le passé en Belgique ou encore aujourd’hui dans le monde, des personnes choisissent d’effectuer un service civil (lorsque cela est possible dans leur pays en effectuant un travail d’utilité publique tel qu’une aide dans les hôpitaux, le travail avec des personnes âgées ou handicapées) ou encore acceptent d’être emprisonnées (lorsqu’il n’y a pas d’alternative au service militaire) plutôt que de servir dans l’armée. Que pensez-vous de ces postures ? Trouvez-vous ces comportements égoïstes ou trouvez-vous cela important de rester fidèle à ses valeurs ? Peut-on être soldat·e sans renoncer à son libre arbitre ? Être soldat·e et pacifiste est-il compatible ?
Actuellement, seuls les hommes sont, à l’exception de certains pays, appelés sous les drapeaux, même si des femmes peuvent embrasser une carrière militaire. Qu’en pensez-vous ? Qu’est-ce que cela dit des représentations que nous avons des hommes et des femmes ?
Pourquoi risquer sa vie ?
Certain·es prétendent que « la vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie ». Selon vous, en quoi la valeur d’une vie humaine est-elle si importante ?
Entrer dans une armée, c’est accepter le principe de perdre sa vie au profit de quelque chose. Qu’est-ce qui pourrait justifier un engagement – militaire ou autre – qui pourrait vous coûter la vie ? Se battre pour un idéal, pour une société plus juste, contre une dictature, un État envahisseur ? Sauver la vie d’un·e ou plusieurs membres de votre famille ou d’un·e ami·e ? Votre pays ? Vos biens ? Vos croyances/idées ? Imaginons que les autorités belges envoient des militaires belges se battre en Ukraine aux côtés des militaires ukrainien·nes. Quelles sont les justifications qui vous paraissent acceptables pour que des militaires risquent leur vie ? (i) Se battre en solidarité avec le peuple ukrainien qui en a besoin ? (ii) Se battre pour faire vaincre la démocratie contre une dictature ? (iii) Se battre pour la raison que si on arrête les Russes en Ukraine, on se protège contre le risque qu’elle nous envahisse ensuite ?
Quand nous sommes face à un conflit, une injustice, existe-t-il d’autres moyens de réagir ? Quels pourraient-ils être ?
Respecter les règles du droit international
Tous les pays du monde s’engagent à respecter les règles contenues dans la Charte des Nations unies. Le seul cas où on a le droit de faire la guerre, c’est pour se défendre de l’agression d’un autre État.
Un conflit armé n’est pas une zone ou une période de non-droit. Ce qu’on appelle le droit international humanitaire (ou droit de la guerre) définit les règles unanimement acceptées. Son principe le plus connu est que la guerre ne peut concerner que les personnes et équipements militaires. Les personnes civiles (et assimilées) et les bâtiments civils doivent être préservé·es. On constate actuellement que ce principe n’est pas toujours respecté. Le fait que votre adversaire ne respecte pas le droit de la guerre constitue-t-il à vos yeux une excuse pour ne pas le respecter ? Dans ce cas, où est la limite ?
Un autre principe du droit international humanitaire est le principe de proportionnalité. On ne peut pas utiliser des armes qui causent des dégâts excessifs par rapport à l’objectif. Interdit, par exemple, de bombarder et détruire tout un immeuble pour tuer seulement deux soldat·es adverses. Qu’en est-il de la bombe atomique qui peut effacer toute une ville de la carte et rendre le territoire inhabitable ? De nos jours, on annonce des armes actionnées par l’intelligence artificielle. Ce sera la machine qui évaluera si la cible est militaire ou non, qui décidera de tirer ou non. Qu’en pensez-vous ? Qui sera, alors, responsable en cas de problème ?
La question des émotions dans le climat actuel
Face à une menace de guerre et un climat anxiogène, il est normal de ressentir des émotions telles que la peur, la colère, la tristesse, l’injustice, etc. Les émotions peuvent susciter chez chacun·e des sentiments très contradictoires et très forts. Pour certain·es, la tristesse pétrifie et rend passif·ve, alors que la colère et la peur font réagir, et pour d’autres c’est la peur et la colère qui vont paralyser.
Les images de destruction qui nous parviennent des conflits armés sont effroyables. Elles peuvent susciter plusieurs sentiments. Quelle est, quand vous voyez ces images, la part de colère/tristesse/peur en vous ?
Ces émotions mènent parfois à des réactions instinctives, irréfléchies, irraisonnées, individuellement mais aussi collectivement. Comment gérer nos émotions pour ne pas être désespéré·e/tétanisé·e ? Peut-on dire que la guerre réveille en nous ce que l’éducation, la raison, s’efforcent ordinairement de maîtriser ?
Pourquoi, dans ces situations, le dialogue, la recherche raisonnée d’un consensus, sont-ils difficiles ? Existe-t-il d’autres moyens de réagir ?
Et les médias dans tout ça ?
C’est par les médias (presse papier, radio, télévision, etc.) et les réseaux sociaux que nous avons accès au contexte actuel, aux conflits, aux annonces des dirigeant·es, à l’analyse des discours de ces dernier·ères.
En général et, plus particulièrement dans le contexte actuel, faites-vous confiance aux informations véhiculées par les médias ? Et dans le travail des journalistes ? Constatez-vous une (des) différence(s) de traitement de l’information entre les médias d’une part et entre ces dernier·ères et les réseaux sociaux d’autre part ? Que doivent mettre en place les médias mais aussi les citoyen·nes pour être plus vigilant·es quant aux développements de fausses informations et du risque d’instrumentalisation et de manipulation des médias par les dirigeant·es politiques au service de leurs propres intérêts ?
Au-delà des informations diffusées, de nombreux médias se projettent dans des scénarios hypothétiques : Et si Vladimir Poutine envahit un pays européen ? Et si des chars sont envoyés dans les pays baltes ? Et si des soldat·es belges sont envoyé·es sur le territoire ukrainien ? Envisager ces scénarios est-il une bonne chose pour comprendre les enjeux et s’y préparer ou bien cela renforce-t-il le caractère anxiogène du climat actuel ?
La manière dont sont représentés dans les médias les dirigeant·es des USA ou de la Russie face aux européen·nes ne renforce-t-elle pas la polarisation entre l’Europe et les États-Unis et entre l’Europe et la Russie ?
En termes de représentation, on ne peut également que constater le faible nombre de personnalités féminines présentes dans les médias pour s’exprimer au sujet du réarmement de notre pays, des conflits armés actuels en Europe et dans le monde. Qu’en pensez-vous ? Trouvez-vous cela normal ?
Un autre monde est-il possible ?
Dans le contexte actuel sur lequel nous avons l’impression d’avoir que peu de prise, il peut être profitable de prendre de la distance en s’engageant et/ou en s’indignant.
Sommes-nous de simples spectateur·rices d’un monde violent ou bien pouvons-nous infléchir le cours des choses ? Quelle est la mesure du pouvoir que vous pensez avoir (nulle, minime, énorme) ?
Qu’est-ce qui vous indigne de manière générale et dans le contexte actuel ? Si vous aviez une baguette magique, que feriez-vous ? Passé l’étape de l’indignation, comment désirez-vous agir ? Pensez-vous que cela vaut le coup de s’engager ? Pourquoi ?
Bibliographie :
- Le Soir. (2025, 28 février). Clash Trump-Zelensky: l’accord n’a pas été signé, ce que l’on sait. https://www.lesoir.be/658685/article/2025-02-28/clash-trump-zelensky-laccord-na-pas-ete-signe-ce-que-lon-sait
- RTBF. (2025). « S’ils ne paient pas, je ne vais pas les défendre » : Trump remet en cause une nouvelle fois l’engagement américain au sein de l’OTAN. https://www.rtbf.be/article/s-ils-ne-paient-pas-je-ne-vais-pas-les-defendre-trump-remet-en-cause-une-nouvelle-fois-l-engagement-americain-au-sein-de-l-otan-11513933
- RTBF. (2025). Gouvernement De Wever : faudra-t-il des économies supplémentaires pour financer l’augmentation des dépenses de défense ? https://www.rtbf.be/article/gouvernement-de-wever-faudra-t-il-des-economies-supplementaires-pour-financer-l-augmentation-des-depenses-de-defense-11515527
- RTBF. (2025). Les pistes de la Commission européenne pour financer le réarmement de l’Union européenne. https://www.rtbf.be/article/les-pistes-de-la-commission-europeenne-pour-financer-le-rearmement-de-l-union-europeenne-11512626
- Toute l’Europe. (2025). Fact-checking : La défense européenne n’est-elle rien sans l’OTAN ? https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/fact-checking-la-defense-europeenne-n-est-elle-rien-sans-l-otan/
- Toute l’Europe. (2025). Fact-checking : Qui des États-Unis ou de l’Union européenne contribue le plus au budget de l’OTAN ? https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/fact-checking-qui-des-etats-unis-ou-de-l-union-europeenne-contribue-le-plus-au-budget-de-l-otan/
Pour aller plus loin :
-
Les Clés. (2025, 10 mars). Europe : jusqu’où préparer la guerre ? RTBF Auvio. https://www.csem.be/eduquer-aux-medias/productions/carnet-10-limpact-des-rseaux-sociaux-sur-la-dmocratie
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