L’incarcération d’Olivier Vandecasteele

L’incarcération d’Olivier Vandecasteele

photo d'Olivier Vandecasteele

Février 2023

Cette fiche est rédigée à l’attention des tou·te·s les enseignant·e·s et éducateur·rice·s de secondaire. Elle propose différentes pistes de réflexion parmi lesquelles choisir afin de mener une discussion de 15 minutes (ou plus si le contexte le permet).

Crédit photo : Amnesty International

Les faits

Olivier Vandecasteele est un travailleur humanitaire belge. Le 24 février 2022, il a été arrêté à Téhéran, en Iran. Il a été condamné à 40 ans de prison et 74 coups de fouet après un simulacre de procès, sans accès à des avocat·es de son choix. On lui reproche, selon l’agence de presse iranienne Tasnim, l’espionnage, la coopération avec les USA contre l’Iran, la contrebande de devises et le blanchiment d’argent.

Isolement total et conditions de vie difficiles

Olivier Vandecasteele est actuellement incarcéré à la prison d’Evin, dans la capitale iranienne, dans des conditions de vie difficiles. Il subit en effet un isolement complet dans une cellule sans mobilier, sans lit, avec un éclairage allumé en continu et une alimentation basique. Les plats qui lui sont fournis passent par une fente située dans le bas de la porte du cachot, sans aucun contact humain.

En juillet 2022, près de six mois après son incarcération, ses proches n’étaient entré·es en contact avec lui qu’une seule fois. L’ambassadeur belge à Téhéran lui a, pour sa part, rendu sept visites depuis sa condamnation. Au cours de la dernière rencontre, Olivier Vandecasteele est apparu amaigri.

La Belgique se mobilise

Les proches d’Olivier Vandecasteele se sont mobilisé·es en parcourant la Belgique afin de récolter des signatures pour la pétition lancée par Amnesty International.

Le 12 janvier dernier, une bâche a été déployée sur le beffroi de Tournai, ville dont il est originaire. Plusieurs communes ont voté des motions de soutien.

La ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib a affirmé que pour la Belgique, Olivier Vandecasteele était innocent et qu’il devait être libéré. D’ici là, elle a demandé une amélioration de ses conditions de détention. Le ministre belge de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a quant à lui attesté que les autorités iraniennes n’avaient donné aucune raison juridiquement valable à son incarcération.

En attente d’une décision de la Cour constitutionnelle

L’Iran souhaite que la Belgique libère Assadollah Assadi, un Iranien condamné en Belgique à 20 ans de prison pour un projet d’attentat terroriste contre l’opposition iranienne. La Belgique a négocié avec l’Iran un traité de transfèrement qui permettrait à des prisonniers belges condamnés en Iran de purger leur peine en Belgique, et réciproquement. Le projet est d’utiliser ce moyen pour échanger Assadolah Assadi avec Olivier Vandecasteele.

L’opposition iranienne s’y est toutefois opposée en introduisant plusieurs recours en justice. La Cour constitutionnelle se prononcera définitivement, au plus tard le 5 mars, sur le caractère légal ou illégal de la loi validant le traité sur le transfert de détenu·es. La prochaine audience devant la Cour constitutionnelle est prévue le 15 février. La décision devrait tomber dans la foulée.

Rédigé à partir de la contribution de Virginie Stassen

Penser les faits : quelques pistes

Le mauvais traitement

Olivier Vandecasteele est détenu dans des conditions épouvantables.

Comment peut-on expliquer de traiter de façon inhumaine un être humain ? Comment expliquer ce qu’on peut appeler une forme de cruauté gratuite ? Pensez-vous que vous pourriez, vous, traiter quelqu’un de cette façon ? L’expérience de Milgram montre que deux personnes sur trois peuvent, si elles sont mises dans les conditions adéquates, tuer de sang froid une personne qui ne leur a fait aucun mal. Sommes-nous si sûr·es d’être différent·es ?

Conditions de détention

La surpopulation des cellules et l’insalubrité des établissements pénitentiaires ont valu plusieurs condamnations à la Belgique. Comment explique-t-on que les Belges s’indignent des conditions de détention d’Olivier Vandecasteele, mais ne se soucient qu’assez peu de celles qui ont cours dans leurs propres prisons ?

Il n’avait qu’à pas…

Certain·es estiment qu’Olivier Vandecasteele a pris, en connaissance de cause, un risque inconsidéré en se rendant en Iran et qu’il « n’a que ce qu’il mérite ». La Belgique ne devrait pas, selon ce point de vue, dépenser de l’énergie pour obtenir sa libération. D’autres pensent au contraire qu’un pays doit toujours venir en aide à ses ressortissant·es, quoi qu’ils aient fait. Qu’en pensez-vous ?

Pour éclairer ce débat, on peut mentionner que quelqu’un qui prend sa voiture avec 4 grammes d’alcool dans le sang prend aussi un risque considérable avec sa vie (et celle d’autrui). Faut-il, s’il ou elle fait un accident, s’abstenir d’envoyer les secours ? Faut-il pareillement refuser de rembourser les frais médicaux des fumeurs et fumeuses atteint·es d’un cancer des poumons ?

Universalité des droits humains

Les autorités iraniennes ne respectent pas un certain nombre de droits fondamentaux. Peut-on dire que le fait que les autorités iraniennes ne respectent pas ces droits signifie qu’ils ne sont pas universels, inhérents à tout être humain ? Le fait que les iranien·nes manifestent dans les rues pour les obtenir signifie-t-il l’inverse ?

Si l’Iran veut décider qu’on peut incarcérer des gens qui n’ont rien fait, de quel droit pourrait-on l’en empêcher ? S’y opposer n’est-il pas une façon de se penser supérieur, de croire qu’on a le droit de lui faire la leçon alors que c’est un pays indépendant ?

L’Iran a pourtant signé un certain nombre de conventions internationales par lesquelles il s’engage à respecter les droits humains. Comment les autorités d’un pays peuvent-elles demander à ses habitant·es de respecter ses lois s’il ne respecte pas lui-même ses obligations internationales ? Pensez-vous que l’État doit montrer l’exemple ?

Que penser d’une personne qui ne respecte pas sa signature, son engagement, sa promesse ? Ce qui est vrai pour des personnes l’est-il pour un État comme l’Iran qui ne respecte pas les conventions qu’il a signées ?

Tout faire…

La famille d’Olivier Vandecasteele souhaite que tout soit entrepris pour libérer Olivier. On le comprend aisément si on se met une seconde à sa place.

Que signifie « tout » ? Imaginons que l’Iran demande une rançon, en argent. La Belgique devrait-elle payer, quel que soit le montant ? Que vaut une vie humaine ? « Tout entreprendre » pourrait-il signifier qu’il faut envoyer un commando sur place afin de le libérer ? Au point de risquer la vie des membres du commando ? Faut-il fixer des limites à ce que nous serions prêt·es à faire pour obtenir la libération d’Olivier Vandecasteele ? Si oui, où les situez-vous ?

Un tiens vaut-il mieux que deux tu l’auras (peut-être) ?

L’Iran semble avoir arrêté Olivier Vandecasteele pour contraindre les autorités belges à leur livrer, en échange, Assadolah Assadi (condamné à 20 ans de prison en Belgique pour avoir préparé un attentat terroriste de grande ampleur).

Ceci amène deux postures.
1. Certain·es sont favorables à cet échange. Cela permettrait en effet de libérer un innocent. La condamnation d’un innocent est, selon ce point de vue, l’injustice suprême et une société doit tout – absolument tout – mettre en œuvre pour respecter ce principe absolu.
2. D’autres sont défavorables à cet échange et avancent les arguments suivants.

Libérer un terroriste est dangereux. Ne pourrait-il pas recommencer et tuer d’autres personnes
Libérer prématurément une personne pour d’autres raisons que sa bonne conduite et ses perspectives de réinsertion est inéquitable pour toutes les autres personnes incarcérées. Elle doit purger sa peine comme elle y a été condamnée.
La décision de libérer un détenu serait cette fois prise par le gouvernement et non par le pouvoir judiciaire. Ce serait contraire au principe de séparation des pouvoirs, contraire à l’État de droit.
Donner satisfaction à des preneur·ses d’otages encouragerait cette pratique. Cela mettrait potentiellement en danger toute la société, Belges qui risqueraient d’être « pris en otage » ou victimes d’attentats.
Dans un cas, on sauve sûrement une personne, réelle, concrète, avec un visage. Dans l’autre cas, on sauve – peut-être – de plus ou moins nombreuses personnes, sans qu’il soit possible de leur donner ni nom ni visage. Qu’en pensez-vous ?

Olivier Van Steirtegem, le porte-parole de la famille Vandecasteele a dit, à l’antenne de la RTBF : « Mieux vaut [avoir] cent terroristes en liberté qu’un innocent en prison ». Qu’en pensez-vous ?

Deux poids deux mesures

Le régime iranien détient aussi d’autres « otages » occidentaux en vue d’obtenir des concessions des pays dont ils et elles sont ressortissant·es et des centaines d’Iranien·nes sont incarcéré·es pour avoir exprimé pacifiquement leur opinion. Certain·es ont été condamné·es à mort et, parfois, exécuté·es.

Qui se préoccupe de Narges Mohammadi ou du docteur Djalali, par exemple ? Les autorités belges ont refusé d’octroyer un titre de séjour à deux Iraniens qui risquent l’arrestation et les mauvais traitements en cas de retour au pays. Y a-t-il des vies plus importantes que d’autres ? Sur quelle base mérite-t-on plus d’attention ? « Mérite-t-on » sa nationalité ou est-ce le hasard qui nous a fait naître ici plutôt que là ?

Par ailleurs, depuis plus de vingt ans les autorités étasuniennes incarcèrent des prisonniers, dans des conditions inhumaines et dégradantes, au sein du centre de détention de Guantanámo, parfois sans inculpation ni jugement. Sommes-nous davantage « choqué·es » et prêt·es à nous mobiliser quand ce sont les autorités iraniennes qui ne respectent pas les droits humains que quand ce sont les pays occidentaux ? Cela fait-il une différence à nos yeux ?

Olivier Vandecasteele est un travailleur humanitaire. Il a contribué à améliorer la vie de très nombreuses personnes dans le monde, notamment en Afghanistan et au Mali. Il a travaillé cinq ans en Iran. Arrêter arbitrairement, condamner à une lourde peine et incarcérer dans des conditions épouvantables une personne qui a fait du bien est-il encore plus grave que s’il s’était agi d’une personne « ordinaire » ?

Le fait qu’Olivier Vandecasteele ait consacré sa vie à secourir les autres doit-il avoir pour effet qu’il faut le soutenir davantage que si ce n’était pas le cas, voire si c’était une crapule ?

Relais médiatique

Les médias parlent beaucoup d’Olivier Vandecasteele. Le 20 janvier, ils lui ont tous consacré leur Une. Cette pratique, peu courante dans un contexte de concurrence éditoriale, permet de réfléchir au traitement médiatique d’un sujet de société. Quel est l’objectif des médias en agissant ainsi ? Quel impact ce genre d’initiative a-t-il sur l’opinion publique ?

Avant cette opération des médias francophones, comment cette information vous était-elle parvenue ? Via le traitement des médias d’information classiques (radio, presse écrite, presse quotidienne en ligne, presse audiovisuelle ) ou par un autre canal (bouche à oreille, pétition, réseaux sociaux, etc.) ?

Cette opération permet également d’entamer une réflexion plus globale sur la dimension sociale des médias.

Quel média est le plus efficace pour diffuser une telle information, visant à toucher l’opinion publique ? L’efficacité réside-t-elle dans la complémentarité ?
Est-ce suffisant pour mobiliser les différents acteur·rices de la société ? Faut-il d’autres actions ? Passer par d’autres médias ? Si oui, lesquels sont les plus efficaces pour mobiliser ? Agir ?
Des médias ont interrogé la mère d’Olivier Vandecasteele, jouant davantage la carte de l’émotion que de l’information. Quelle place l’émotion peut-elle avoir dans une émission d’information ?

Signer une pétition

Signer une pétition, c’est marquer son soutien à l’idée qu’elle véhicule. Les jeunes peuvent-ils et elles les signer ? Certain·es prétendent que l’adhésion d’un·e jeune à une idée n’est pas encore très solide parce qu’il ou elle n’est pas encore en capacité de se forger une opinion éclairée. La Convention internationale des droits de l’enfants précise (voyez les articles 12 et 13) que les mineur·es (moins de 18 ans) doivent pouvoir s’exprimer. Ce qui se passe dans le monde peut les intéresser et les concerne.

Pensez-vous que votre avis vaut moins que celui d’un·e adulte qui a davantage d’expérience ? Pensez-vous au contraire que votre avis vaut plus que celui d’un·e adulte qui, en moyenne, a moins d’années encore à vivre ? Pensez-vous que les avis des adultes et des mineur·es sont équivalents ?

Note pour l’enseignement fondamental

L’incarcération injuste d’Olivier Vandecasteele permet de développer différentes compétences disciplinaires del’éducation à la philosophie et à la citoyenneté telles que :
• élaborer un questionnement philosophique (et plus particulièrement, formuler des questions à portée
philosophique à partir de l’étonnement) ;
• assurer la cohérence de sa pensée ;
• prendre position de manière argumentée ;
• s’ouvrir à la pluralité des cultures et des convictions ;
• comprendre les principes de la démocratie (particulièrement distinguer les différents pouvoirs, leur champ d’application et leurs rôles respectifs) ;
• se reconnaître, soi et tou·tes les autres, comme sujets de droits ;
• contribuer à la vie sociale et politique (en particulier imaginer un société et/ou un monde meilleurs).

Selon les âges, les enseignant·es pourront :
• expliquer (i) l’injuste condamnation d’un homme qui n’a rien fait et (ii) la pénibilité de ses conditions de détention ;
• répondre aux questions de clarification ;
• recueillir les émotions des enfants (comment voussentez-vous ? Pourquoi l’injustice nous met-elle dans des états pareils ?) ;
• Tout en découvrant les articles 12 et 13 de la Convention internationale des droits de l’enfant, faire rédiger, individuellement et collectivement, une lettre aux autorités iraniennes pour demander la libération d’Olivier Vandecasteele puis se rendre à la boîte postale pour y glisser leur enveloppe (adressée à S.E. l’Ambassadeur de la République islamique d’Iran – Ambassade de la République islamique d’Iran
– Avenue Franklin D. Roosevelt 15 – 1050 Bruxelles).

 

CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT (EXTRAITS)

Article 12 – 1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer
librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en
considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
Article 13 – L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant.

 

 

Crédit photo : Amnesty International

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Photo : Pexels sur Pixabay

NOVEMBRE 2022

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Les faits

La Coupe du monde masculine de football aura lieu du 20 novembre au 18 décembre au Qatar. Le Qatar est trois fois plus petit que la Belgique et compte 2,5 millions d’habitant·es, les migrant·es représentent 94 % de la population active et 70 % de la population totale. Ce pays désertique de la péninsule arabique est, depuis la création de cette compétition en 1930, le premier pays arabe à organiser cette épreuve sportive. La FIFA (Fédération internationale de football association) a attribué l’organisation de cette compétition au Qatar le 2 décembre 2010. À l’époque, les États-Unis, le Japon, l’Australie et la Corée du Sud avaient aussi présenté leur candidature.

Depuis l’annonce de ce choix de la FIFA pour le Qatar en 2010, celui-ci a été controversé, principalement pour trois raisons. Les manquements en ce qui concerne les droits humains dans ce pays, son climat désertique, peu propice à l’organisation d’une épreuve sportive ou encore les soupçons de corruption sur sa désignation comme pays hôte. Ces controverses ont resurgi ces dernières semaines, à l’approche du début du tournoi.

En ce qui concerne les droits humains, de nombreuses ONG (dont Amnesty International) mettent en avant le fait que la liberté d’expression est bafouée au Qatar. Les dissident·es qui, notamment sur les réseaux sociaux, se prononcent contre le régime risquent d’être emprisonné·es. Les droits des femmes ne sont pas non plus respectés puisque ces dernières ne peuvent pas se marier, entreprendre des études, voyager à l’étranger, etc. sans avoir l’autorisation de leur tuteur, généralement leur père, leur frère ou leur mari. Toujours en ce qui concerne le respect des droits humains, les relations entre personnes du même sexe sont illégales au Qatar. Enfin, les ONG et d’autres institutions internationales ont aussi pointé du doigt les conditions de travail des ouvrier·ères, principalement des migrant·e.s, lors de la construction des stades et autres infrastructures sportives nécessaires à la Coupe du monde. Des conditions de travail indécentes à cause de la chaleur extrême mais aussi des horaires excessifs, du faible salaire, la confiscation des passeports, la tromperie quant à la rémunération ou au type de travail entrepris ou encore de l’impossibilité de former un syndicat pour se défendre. Plusieurs milliers de travailleur·euses sont d’ailleurs mort·es sur ces chantiers.

D’un point de vue environnemental, ce sont les stades climatisés du Qatar qui posent question. En effet, pour permettre aux joueurs de jouer mais aussi aux spectateur·rices d’assister aux matches dans de bonnes conditions, les stades ont été construits avec des systèmes permettant de refroidir la température extérieure. En novembre, cette dernière peut avoisiner les 30 degrés. C’est d’ailleurs pour des raisons climatiques que cette Coupe du monde a été déplacée à cette période de l’année, cet événement se déroulant généralement en été.

Face à ces controverses concernant les droits humains au Qatar et l’impact environnemental de la Coupe du monde, certaines associations et groupes de citoyen·nes exigent le boycott de cet événement. En d’autres mots, ils veulent que les joueurs, les spectateur·rices, les médias, les sponsors… et les téléspectateur·rices refusent de regarder ou de participer à cette compétition en guise de protestation. En Belgique, des communes et des établissements Horeca ont annoncé qu’ils ne diffuseraient pas les matches joués au Qatar.

31 des 32 équipes nationales – dont celle de la Belgique – qui participent à cette Coupe du monde se sont qualifiées pour la phase finale de la compétition à la suite de leurs résultats obtenus lors des matches éliminatoires auxquels 208 fédérations ont participé entre 2020 et 2022. Le Qatar, lui, était qualifié automatiquement en tant que pays organisateur.

Anouck Thibaut (15/11/2022)

 

Penser les faits : quelques pistes

DES STADES ROUGES DE SANG

Le Qatar, pays peu peuplé, a eu recours à une importante main-d’œuvre étrangère pour la construction de ses stades. Celle-ci a travaillé dans des conditions de travail indécentes. Certain·es n’ont pas hésité à utiliser le terme d’esclavage. De nombreuses personnalités et institutions dénoncent le nombre élevé de travailleur·euses étranger·es qui ont trouvé la mort lors de la construction des infrastructures liées à la Coupe du monde. Elles mettent notamment en cause les conditions de travail et l’absence de dédommagement des familles des victimes. Êtes-vous d’accord avec elles ? Pourriez-vous préciser ce que vous trouvez choquant, exactement, et pourquoi ?

En regardant ces matches, sommes-nous indirectement responsables, complices, innocent·es ? Comment qualifier la participation à un système qui viole les droits humains ? Responsabilité indirecte ? Complicité ? Innocence ? Nous ne sommes pas directement responsables de ces morts dans le sens où nous nous trouvons à plusieurs milliers de kilomètres, n’avons posé aucun geste, donné aucune instruction. N’existe-t-il toutefois pas une responsabilité indirecte ?

BOYCOTT

Rappelons Johan Cruyff, un joueur néerlandais exceptionnel qui a reçu le ballon d’or à trois reprises. En 1974 il est élu meilleur joueur de la Coupe du monde. En 1978, les Pays-Bas sont favoris de la compétition. Celle-ci se joue en Argentine, pays oppressé par une dictature sanglante. Johan Cruyff, qui aurait pu récolter là le trophée ultime, annonce qu’il renonce à se rendre dans ce pays. Il boycotte la Coupe du monde.

Comment qualifieriez-vous le comportement de Johan Cruyff ? Héroïque ? Imbécile ? Doux rêve ? Folie ? Hors limites ? Pourquoi ? Comment réagiriez-vous si Thibaut Courtois et Kevin De Bruyne décidaient de ne pas prendre part à la Coupe du monde pour éviter de soutenir un régime dans lequel les droits des femmes et les droits des travailleur·euses ne sont pas respectés ?

Les citoyen·nes qui ont voté n’ont-ils pas donné mandat à leurs élu·es de prendre les décisions qui doivent être prises ? Est-il normal qu’ils et elles doivent encore intervenir, en cours de mandat, pour réclamer (par des lettres, des pétitions, des manifestations, des boycotts, etc.) quand le travail ne leur semble pas fait ? Le « job » de citoyen·ne s’arrête-t-il aux urnes ou bien se poursuit-t-il ensuite ?

LA FERVEUR DES SUPPORTERS

La ferveur des supporters prend parfois des dimensions considérables. C’est encore davantage le cas quand on se trouve dans un groupe, voire dans une foule, qui vibre à l’unisson. Cela entretient une forme d’émulation collective.
Sommes-nous réellement libres si les circonstances et l’effet de groupe nous amènent à commettre des actes que nous n’aurions pas commis en temps normal ?

Certains supporters sont tellement violent·es que cela peut aller jusqu’au meutre. À la Coupe du monde 1994, le footballeur colombien Andrés Escobar, un défenseur, trompe involontairement son propre gardien et marque contre son camp. Quelques jours plus tard, de retour en Colombie, un homme vide le chargeur de son arme sur lui. Le tueur aurait crié « gol » (goal) à chaque balle tirée.

Qu’est-ce qui justifie de tuer un homme ? L’assassin est-il un monstre ? Pensez-vous que vous n’avez rien de commun avec cet assassin ? L’expérience de Milgram démontre que deux tiers de la population est capable d’exécuter, de sang froid et volontairement une personne qui ne lui a rien fait. Les assassins sont-ils et elles des monstres (des non-humains) ou des êtres humains qui se trouvent dans des conditions spécifiques ?

DES STADES CLIMATISÉS  

Il n’est pas possible de produire un football de qualité sous une chaleur étouffante. C’est la raison pour laquelle les autorités qatariennes ont opté pour des climatiseurs dans les stades et de nombreux endroits publics. Beaucoup, pour des raisons écologiques dénoncent ce gaspillage. Qu’en pensez-vous ? Un pays peut-il faire ce qu’il veut ? Même si ce qu’il fait a un impact sur toute la planète ?

La Coupe du monde commence le lendemain de la conférence annuelle des États pour fixer les objectifs climatiques mondiaux (COP 27) en Égypte. Le contraste en est d’autant plus saisissant. Un jour le monde prétend se préoccuper du changement climatique et, le lendemain, il semble avoir oublié. Ce qui est peu cohérent. Est-ce important d’être cohérent dans nos discours, nos pratiques ? Dans quelle mesure ? Pourquoi ?
Nous consommons beaucoup d’énergie en Europe pour ce qui nous semble important : le chauffage et la mobilité. Pourquoi les Qatariens n’auraient-ils pas le droit d’en consommer pour ce qui leur semble, à eux, revêtir de l’importance ? Quelle est la différence entre ce qui est « vital » et ce qui est « du superflu, du luxe » ? N’avons-nous pas tendance à considérer cette différence de notre point de vue ? De nombreux·ses Belges estiment que prendre deux fois l’avion par an pour des vacances ou un city trip est un minimum. N’est-ce pas du superflu aux yeux de milliards de personnes qui vivent sans cela ?

DOLLARS

Droits de retransmission, vente de tickets, publicité : le football brasse des sommes d’argent colossales. Les rémunérations de certains joueurs sont astronomiques. Certaines personnes les qualifient d’indécentes, c’est-à-dire de contraires à la morale, d’inconvenantes, scandaleuses, déplaisantes. Qu’en pensez-vous ? Que devrait être un niveau de salaire « normal » ? Est-il normal qu’un joueur comme Thibaut Courtois gagne plus d’argent que le gardien d’un petit club belge alors qu’ils s’entraînent autant l’un que l’autre ? Est-il normal de rémunérer quelqu’un pour un talent inné dont il n’est pas responsable ?

Le joueur David Beckham gagnerait 178 millions grâce à un contrat d’image avec le Qatar pendant une quinzaine d’années. Promouvoir ce régime, c’est donc promouvoir une certaine conception de la société qui créent de telles discriminations. Quel équilibre faut-il faire entre argent et valeurs ? Certain·es disent que « l’argent n’a pas d’odeur » pour suggérer qu’importe peu aux riches la façon dont ils et elles ont bâti leur fortune. Qu’en pensez-vous ?

SIX ARBITRES FÉMININES

Six arbitres féminines ont été sélectionnées pour officier lors de la coupe du monde1. Ce sera une première pour la FIFA. Marquer l’histoire de l’arbitrage au Qatar, émirat régulièrement critiqué pour sa gestion de la place des femmes dans la société, n’est pas anodin.

Comment accueillez-vous cette nouvelle ? Trouvez-vous cela « étrange » ? Pensez-vous que c’est un fait tellement normal qu’il ne devrait pas être mentionné ? Pensez-vous que les joueurs sont « prêts » pour « obéir » à l’arbitrage d’une femme ? Si non, n’est-ce pas une façon de faire évoluer les mentalités ?

1. https://coupedumonde2022.net/mondial-qatar-2022/arbitres et https://www.goal.com/fr/news/mondial-2022-six-arbitres-feminins-officieront-au-qatar/blt0f41309a7bfe4087 

Pour aller plus loin :

Le site d’Amnesty International : https://www.amnesty.be/Qatar,456
Le site de la FIFA : https://www.fifa.com/fifaplus/fr/tournaments/mens/worldcup/qatar2022
Le site de la RTBF :
https://www.rtbf.be/article/investigation-qatar-les-secrets-de-la-coupe-du-monde-11083781
https://www.rtbf.be/article/qr-le-debat-coupe-du-monde-une-qatar-strophe-11088991

 

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lumière éteinte

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Septembre 2022

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Les faits

Le prix de l’énergie dans l’Union européenne a atteint des niveaux records en 2022. Cette hausse a commencé en 2021 au lendemain de la pandémie de COVID-19. En effet, lors de la relance économique post-COVID-19, la demande en énergie a fortement augmenté. Les gens ont recommencé à se déplacer, travailler, voyager, consommer, sortir, etc. et tout cela a généré une demande énergétique accrue. Or, l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) n’a pas pour autant augmenté sa production de pétrole. Les prix ont alors connu une première envolée car l’offre était inférieure à la demande.

Guerre en Ukraine et sanction russe
Les prix ont connu une deuxième envolée suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. La Russie a en effet pris la décision unilatérale de suspendre les livraisons de gaz à certains États membres de l’UE, qui soutenaient l’Ukraine. Ceci a eu pour conséquence de faire grimper le prix du gaz, et d’entraîner un nouveau record des prix de l’électricité dans l’UE. Il faut avoir que la Russie fournissait 30 % en moyenne du gaz à l’Europe (et 50 % à l’Allemagne, qui est le moteur de l’Europe). Il existe donc de forts liens d’interdépendance énergétique entre ces pays. Aujourd’hui, les membres de l’UE cherchent de nouvelles sources d’approvisionnement, qui pourraient provenir des pays nordiques, et notamment de la Norvège1.

Concrètement, entre mai 2021 et mai 2022, le prix du gaz naturel a augmenté en moyenne de 98,42 % en Belgique. La facture de gaz moyenne annuelle des Belges est ainsi passée de 1215,28 € à 2411,36 €. Les États-Unis, quant à eux, ne sont pas inquiétés par cette hausse, car ils produisent eux-mêmes leur pétrole, et fractionnent désormais le gaz de schiste pour ne plus dépendre de la Russie.

Une inflation galopante
Une autre conséquence de l’augmentation du prix de l’énergie est l’inflation. En effet, presque la totalité de ce que nous consommons est produit à base de gaz ou de pétrole. Le coût de la production et du transport de ces produits a également augmenté, ce qui se répercute sur le prix de vente. Le taux d’inflation annuel devrait s’élever à 9,4 % en 2022, contre 2,44 % en 2021 et 0,74 % en 2020.

Or, lorsque l’inflation augmente, les taux d’intérêt grimpent aussi. En effet, lorsque l’inflation est élevée, les prêteurs savent que lorsqu’ils seront remboursés, l’argent qu’ils ont prêté aura perdu de la valeur. Ils exigent alors un taux d’intérêt plus élevé pour compenser cet écart.

Une impact direct sur les citoyen·nes
Cette augmentation des prix de l’énergie n’est pas sans conséquence sur les ménages, mais aussi les entreprises et les écoles. Nous devrons cet hiver réinventer notre façon de nous chauffer, que ce soit en diminuant le thermostat (saviez-vous qu’un degré un moins, c’était 5 % de moins sur la facture ?), en superposant les pulls ou en limitant la durée de nos douches chaudes. Peut-être l’occasion de réfléchir à notre consommation d’énergie ?

Virginie Stassen (09/06/2022)

Penser les faits : quelques pistes

 

Pas possible de vivre autrement ?

 

Avec l’augmentation du prix de l’énergie on voit comment nous sommes bousculé·es dans nos modes de vie. Si nous y sommes contraint·es par des dispositions légales nous pouvons nous adapter, mais ressentons très vite que la situation ne nous convient pas, aspirons de « revenir à la normale ». Cette « normale » semble incarner notre alpha et notre oméga. Souffrons-nous d’addiction à ce mode de vie « normal » ? Sommes-nous drogué·es à notre mode de vie au point que tout ce qui nous en écarte serait devenu insupportable ? Est-ce que le changement peut faire peur ? peut être encouragé ? Est-il « normal » d’avoir besoin d’autant d’énergie pour vivre ? Sommes-nous réellement libres ou conditionné·es à faire comme on a toujours fait / à être comme on a toujours été ?

 

Qu’est-ce qu’une mesure juste ?

 

Si l’État diminue les accises sur l’énergie, il paie lui-même x centimes par litre de carburant pour diminuer d’autant la facture du consommateur ou de la consommatrice. Cependant, serait-il juste, pour l’État :
– de diminuer le prix de l’énergie de la même façon pour la personne qui l’utilise pour chauffer sa piscine que pour celle qui ne l’utilise que pour chauffer son appartement ?
– d’octroyer une aide du même montant aux riches et aux pauvres ? de traiter de la même façon la personne qui a fait le choix de conduire un gros 4×4 qui consomme énormément, voire d’utiliser un jet privé, et celle qui s’est contentée d’une petite voiture ?
– d’octroyer une aide équivalente à la personne qui achète de l’essence pour conduire ses enfants à l’école éloignée, ou que son métier contraint à rouler beaucoup et à celle qui en profitera pour partir en vacances ? Y a-t-il des utilisations de l’énergie plus « nobles » ou plus « justifiables » que d’autres ?
Quelle différence fait-on entre égalité, équité et solidarité ?
Faut-il privilégier une mesure « juste » ou une mesure « simple » (à comprendre et à appliquer) ?

 

Milieu rural et milieu urbain

 

La Région bruxelloise est très richement pourvue en transports en commun financés par la collectivité. Ce n’est pas le cas dans les villages de régions plus rurales. De nombreux·ses habitant·es n’ont pas le choix et doivent utiliser un véhicule automobile pour se déplacer.
Est-il équitable que certain·es, pour la raison qu’ils et elles sont plus nombreux·ses, bénéficient d’une offre plus grande en modes de déplacement alternatifs ? Qu’en pensez-vous ?

 

Genre et coût de l’énergie

 

Les personnes qui éprouvent le plus de difficultés à faire face à l’augmentation du prix de l’énergie sont les familles les plus pauvres. Parmi elles, on retrouve notamment les familles monoparentales avec un grand nombre de femmes chef de ménage. Les femmes ont, en moyenne, plus la garde des enfants que les hommes. Elles ont aussi souvent moins de revenus.
Globalement, les femmes sont plus touchées que les hommes par ces hausses de prix. Trouvez-vous qu’elles devraient faire l’objet de davantage d’aide ?

 

Changement climatique et déconsommation

 

Cela fait quelques années que se sont intensifiées et qu’ont été médiatisées les manifestations pour le climat qui ont relevé notamment le problème des énergies. Or, il semble que ce n’est que maintenant, alors que le prix du carburant augmente, que l’on voit apparaître, de façon plus significative, des stratégies de réduction de sa consommation.

L’argent est-il un moteur plus puissant que la conscience pour opérer un changement de comportement ? Certain·es consommateur·rices affirment vouloir consommer « mieux » plutôt que « plus ». Selon vous, y a-t-il d’autres raisons qui peuvent motiver cette « déconsommation » ?

Certaines personnes choisissent de faire des économies d’énergie dans l’intérêt général (ex : diminuer le thermostat pour consommer moins d’énergie). D’autres préfèrent chauffer correctement la chambre d’un bébé par exemple. Comprenez-vous ce type de raisonnement ? Y a-t-il des bonnes et des mauvaises raisons ? Que penser du fait que certain·es font des efforts et d’autres pas, que celles et ceux qui n’en font pas profitent des efforts des autres ?

Les entreprises doivent-elles prendre leur part dans l’effort collectif ? Certaines mesures y sont prises pour faire des économies, mais cela leur permet surtout d’augmenter leurs profits ou d’atténuer leur pertes. Doivent-elles le faire aussi en perdant de l’argent (par exemple, un centre commercial devrait-il installer plus de bancs dans ses allées pour permettre à des personnes sans domicile fixe de s’y trouver au chaud cet hiver, au risque de perdre une part de sa clientèle ?) ?

D’autres pensent que c’est aux pouvoirs publics d’organiser une réponse collective organisée. Quelle place l’État occupe-t-il dans nos vies? Est-ce toujours à l’État de trouver des solutions à tous les problèmes ? Cela risque-t-il de déresponsabiliser les citoyen·nes ? Qu’en pensez-vous ? Comment définiriez-vous le type de solidarité entre individus qu’incarne l’État ?

 

Les surprofits sont-ils indécents ?

 

Si je produis un bien quelconque à 15 € l’unité, le commercialise à 20 € l’unité, je réalise une profit de 5 € par unité. Si, un mois plus tard, le prix de ce bien se trouve soudain augmenté et passe à 100 €, je ferai un bénéfice de 85 € par unité. Ainsi, les entreprises productrices d’énergie (d’électricité, par exemple) ont-elles augmenté considérablement leur profit. Elles réalisent des gains exceptionnels.

D’aucun·es jugent ces gains « indécents ». Qu’est-ce qui est, pour vous, « indécent » ? Considérez-vous que ces profits exceptionnels sont indécents ? Pourquoi ? Est-ce plus ou moins indécent que les profits gigantesques engrangés par certaines grosses entreprises ou multinationales ?

Ces profits ne sont pas perdus. Ils seront distribués à l’État sous forme de taxation, mais aussi (et surtout) aux actionnaires sous forme de dividendes et d’augmentation de la valeur de leurs actions. En quoi serait-ce problématique ou indécent que ces personnes recueillent le fruit de leur investissement ?

Sans procéder à des généralisations abusives, certaines entreprises « profitent » comme c’est le cas ici, de la hausse soudaine du prix du produit qu’elles commercialisent. D’autres entreprises réalisent des profits exceptionnels en exploitant leurs travailleurs (conditions de travail désastreuses pour des salaires de misère) et/ou en ne respectant pas les normes environnementales (des pétroliers qui vident leurs cales dans la mer pour éviter les frais de nettoyage de ces cales). Peut-on comparer ces façons de réaliser des profits ?

1. https://www.lemonde.fr/international/article/2022/03/21/guerre-en-ukraine-la-production-de-gaz-naturel-norvegien-au-maximum-de-sa-capacite_6118422_3210.html

Crédit photo : somchaij sur iStock

 

Pour aller plus loin :

CAP Energies

 

 

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Fusillade dans une école au Texas

Fusillade dans une école au Texas

Mai 2022

Cette fiche est rédigée à l’attention des tou·te·s les enseignant·e·s et éducateur·rice·s de secondaire. Elle propose différentes pistes de réflexion parmi lesquelles choisir afin de mener une discussion de 15 minutes (ou plus si le contexte le permet).

(Crédit photo : Charles Mann via iStock)

Les faits

 
Mardi 24 mai 2022, la petite ville d’Uvalde au Texas (États-Unis) a été le théâtre d’une fusillade qui a fait 21 victimes. Le tueur, Salvador Ramos, âgé de 18 ans, était en tenue paramilitaire et armé d’un fusil d’assaut et de munitions quand il est entré dans l’école primaire Robb. En moins d’une heure, il a tué 19 enfants d’à peine 10 ans ainsi que deux enseignantes, et blessé 17 autres personnes avant d’être abattu par une unité d’élite de la police aux frontières (Uvalde se situe à moins de 100 km du Mexique). Plus tôt dans la matinée, il avait également tiré sur sa grand-mère qui est toujours dans un état critique.
 
Juste avant de passer à l’acte, Salvador Ramos a annoncé sur Facebook dans une conversation privée son intention de “faire feu sur une école primaire”. Sur Instagram, il avait publié une photo de deux armes automatiques et sur TikTok, la description de son compte était les enfants sont effrayés dans la vraie vie ». Ses comptes ont depuis été désactivés.
 
Aux États-Unis, le port d’arme est d’abord réglementé au niveau fédéral, puis par chaque État. Le droit de posséder une arme est garanti par le deuxième amendement de la Constitution américaine. Chaque État a ses propres lois sur le port d’armes, et décide s’il est nécessaire ou non d’avoir un permis pour en porter et en utiliser une. Ramos a acheté ses armes quelques jours après son 18e anniversaire.
 
Ces tueries relancent régulièrement le débat sur la détention d’armes aux États-Unis mais les institutions se heurtent à la puissance des lobbys et se sont toujours révélées incapables de voter une loi à l’échelle nationale. Tandis que certains, comme le très conservateur gouverneur du Texas, Greg Abbott, ou la NRA (National Rifle Association) principal lobby pro-armes du pays, soulignent l’instabilité mentale du tueur, d’autres comme le démocrate Beto O’Rourke ou le sénateur du Connecticut Chris Murphy, dénoncent la responsabilité d’un système facilitant l’accès aux armes. En 2020, plus de 4 000 enfants ont été tués par balle. Depuis le 1er janvier, plus de 200 fusillades – dont 27 dans des écoles – y ont déjà eu lieu. La fusillade d’Uvalde est l’un des pires massacres par arme à feu de ces dernières années aux États-Unis.
 
Malgré ce drame, la NRA a choisi de maintenir sa convention annuelle à Houston, qui a lieu à quelques heures seulement d’Uvalde et trois jours à peine après la fusillade. Le fabricant de l’arme achetée par Ramos a annoncé qu’il ne s’y rendrait pas. Donald Trump a confirmé sa participation. Abbott est quant à lui pointé du doigt pour son soutien marqué en faveur du second amendement. Le président Joe Biden a quant à lui fait part de sa volonté de “transformer la douleur en action ». À travers le pays, de nombreuses personnalités réclament une régularisation du port des armes. Le mouvement March for our Lives a appelé à un grand rassemblement le 11 juin prochain à Washington pour demander un durcissement de la réglementation sur les armes.
 
Marine Bardin
27 mai 2022
 

Penser les faits

 

LA SÉCURITÉ

En quoi le sentiment de sécurité est-il un élément fondamental de l’épanouissement et de l’accomplissement de chaque être humain ? Quel niveau de risque sommes-nous prêt·es à accepter ? Ce besoin de sécurité est-il absolu ? La sécurité est la justification donnée par les autorités pour permettre aux policiers de procéder à des écoutes téléphoniques, à lire nos mails. Où mettre l’équilibre entre sécurité et liberté individuelle ? Serions-nous prêt·es, pour des raisons de sécurité à transformer nos écoles en lieux retranchés, avec détecteurs à l’entrée, hauts murs d’enceinte, policiers en nombre, etc.  ? Pensez-vous que les écoles sont perçues – ou devraient l’être –  comme des endroits qui devraient être protégés de toutes les violences extérieures ? Pensez-vous que des conflits (à grande échelle entre pays ou à petite échelle entre familles ou quartiers) qui se passent en dehors de l’école s’introduisent au sein de l’école ou, au contraire, l’école est-elle hermétique à ces violences ?
 

UNIVERSALITÉ

Beaucoup de personnes vivant en Belgique ne comprennent pas qu’un pays tel que les États-Unis d’Amérique, dont le mode de vie est grosso modo semblable au nôtre, soit à ce point attaché au droit de porter une arme… et en use. Nous avons grandi dans un environnement où ce n’était pas le cas et vivons sans ressentir le besoin de détenir des armes. C’est notre représentation d’une vie « normale ».
 
Aux États-Unis d’Amérique, le droit de détenir et porter une arme date de l’Indépendance. Il est basé sur l’idée, cruciale en ce temps-là, que la population doit avoir les moyens de se révolter contre l’État si celui-ci devait prendre des allures de dictature. Depuis lors, les américains ont vécu dans ce système. C’est leur représentation d’une vie « normale ».
 
Faut-il accepter que coexistent des systèmes différents dans les pays différents ou bien peut-on avancer qu’existe un système meilleur et universel pour tout le monde ? Dans un même ordre d’idées, faut-il accepter qu’existent en Arabie saoudite, Iran et Afghanistan (notamment) des règles qui interdisent aux femmes de nombreux actes et comportements autorisés aux hommes ? Ne peut-on pas dire que c’est leur représentation d’une vie « normale » ?
 

LA VALEUR D’UNE VIE HUMAINE

Tuer un être humain, c’est le priver de sa vie. C’est irréparable. Tuer est considéré depuis toujours comme un crime extrêmement grave. Un homme qui tue dix-neuf enfants et deux enseignantes ne respecte pas une loi fondamentale et attire tous les reproches du monde entier.
 
Êtes-vous d’accord que rien ne surpasse la valeur d’une vie humaine ? Cette idée que rien ne surpasse la valeur d’une vie humaine, est-elle le fruit d’un ressenti ou la conséquence d’un raisonnement ? Comment feriez-vous pour l’expliquer ou la faire comprendre à une personne qui ne la partagerait pas ? Comment la valeur d’une vie est-elle déterminée ? Si c’est le cas, comment expliquez-vous qu’on autorise encore la vente de cigarettes qui tuent un très grand nombre de personnes chaque année ou qu’on laisse des millions de personnes mourir de la faim ou des conséquences de conflits oubliés ?
 

LE HARCÈLEMENT SCOLAIRE

Salvador Ramos, l’auteur de la fusillade, souffrait apparemment d’un trouble de la parole — un bégaiement et un zézaiement — depuis son jeune âge. Il aurait par ailleurs été victime de harcèlement scolaire, notamment à cause de ses tenues vestimentaires et de ses problèmes financiers. Comment expliquez-vous ce phénomène de harcèlement scolaire ? Pourquoi rejeter les personnes qui ne nous ressemblent pas ? Le harcèlement se fait souvent en groupe. Imiter les autres, se conformer aux règles d’un groupe n’est-il pas un signe d’aliénation ?
 
On ne peut pas, à ce stade-ci, lier clairement le harcèlement dont Salvador Ramos a été victime et l’acte qu’il a commis. De façon plus générale, les personnes harcelées peuvent développer des symptômes de dépression pouvant amener jusqu’au suicide, ou une haine féroce qui peut se muer en violence et devenir une plaie pour la société.
 
Imaginez que vous découvriez que votre frère ou votre sœur, ou votre meilleur·e ami·e harcèle des personnes de sa classe. Interviendrez-vous pour lui demander d’arrêter ? Pourquoi ? Si oui, comment vous y prendriez-vous ? Quel type de message conviendrait-il ? Faut-il essayer de raisonner la personne ? Mobiliser ses sentiments ? Pourquoi ?
 

QUELLE RESPONSABILITÉ ?

Qui est responsable de la mort de ces enfants ?
Il y a Salvador Ramos, d’abord, bien sûr. C’est lui qui est venu et qui a tiré. Est-il seul responsable ? Existe-t-il des circonstances particulières dans lesquelles la responsabilité est, au moins, partagée ? Quelle différence existe-t-il entre être l’auteur·e d’un acte et en être responsable, voire coupable ? Qu’en est-il de la responsabilité de la société qui met en place un système dans lequel certain·es se trouvent en grande difficulté ?
 
Qui est (co-)responsable ? Seulement Salvador Ramos ? La NRA ( National Rifle Association, le plus puissant lobby pro-armes aux USA) qui s’oppose à toute mesure visant à limiter le commerce des armes, ce qui a pour conséquence que les armes pullulent ? Les jeunes qui ont harcelé Salvador Ramos et l’ont rempli de haine ? Ses enseignant·es et parents qui n’ont rien vu venir ? Les personnes qui ont lu ses avertissements sur les réseaux sociaux, mais n’ont pas prévenu la police ?
 
L’ancien président Trump a traité Salvador Ramos de monstre. Il a insisté sur le fait que la meilleure manière d’empêcher les méchants de faire du mal est d’armer les bons.Pensez-vous que ce soit aussi simple : qu’il y a des gens qui sont bons, d’un côté et des gens qui sont mauvais, de l’autre ? Quelle place les circonstances jouent-elles dans nos choix ? Traiter quelqu’un de monstre n’est-il pas une façon d’oublier la commune humanité qui nous lie avec Salvador Ramos ? Cela ne nous exonère-t-il pas d’une réflexion intime sur la façon dont nous gérons le risque de devenir comme elles et eux dans des situations extrêmes ?

 

Sources et liens utiles

• https://www.rtbf.be/article/etats-unis-apres-la-tuerie-a-uvalde-la-colere-et-les-questions-sur-le-role-de-la-police-11000612
• https://www.franceinter.fr/monde/tuerie-d-uvalde-huit-chiffres-sur-les-morts-par-arme-a-feu-aux-etats-unis
• https://www.liberation.fr/international/amerique/avant-la-tuerie-duvalde-les-armes-a-feu-etaient-deja-la-premiere-cause-de-mort
• alite-pour-les-enfants-americains-20220525_ANXRSMM24NAOJJDQ4XEG2AI4O4/
• https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220525-%C3%A9tats-unis-apr%C3%A8s-la-fusillade-au-texas-la-positiond%
C3%A9licate-du-gouverneur-greg-abbott
• Lien entre campagnes électorales et financement des armes : https://www.rtbf.be/article/le-lobby-des-armes-gouverne-t-il-les-etatsunis-
11000096
• https://www.lesoir.be/444866/article/2022-05-27/etats-unis-meeting-annuel-du-lobby-pro-armes-quelques-jours-apres-la-fusillade
Voir aussi les sources du GRIP, le Groupe de Recherche et d’information sur la Paix et la Sécurité :
• https://grip.org/les-armes-proliferent-toujours-aux-etats-unis-les-fusillades-sen-trouvent-facilitees-rtbf-be/
• https://grip.org/category/publication/livre/

 

 

Les élections du 9 juin : et après ?

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Le conflit russo-ukrainien

Le conflit russo-ukrainien

Le conflit russo-ukrainien

Cette fiche est rédigée à l’attention des tou·te·s les enseignant·es et éducateur·rices de secondaire. Elle propose différentes pistes de réflexion parmi lesquelles choisir afin de mener une discussion de 15 minutes (ou plus si le contexte le permet).

LES FAITS

Dans une déclaration surprise à la télévision russe jeudi 24 février, le président Vladimir Poutine a annoncé le lancement d’une « opération militaire spéciale » en Ukraine pour, selon lui, défendre les séparatistes de l’est du pays. Les forces armées russes sont entrées en Ukraine et ont bombardé plusieurs villes – notamment Kiev et Kharkiv – faisant plusieurs centaines de blessé·es civil·es et militaires. La Biélorussie, pays voisin allié de Moscou, a également envahi l’Ukraine par le nord et continue de renforcer sa présence militaire. Dans la nuit du mardi 1er au mercredi 2 mars, des troupes aéroportées russes ont débarqué à Kharkiv. Les combats s’intensifient sur l’ensemble du territoire ukrainien. 
 
Une semaine après le début des hostilités, l’Ukraine résiste toujours à l’assaut des forces russes et biélorusses sur son territoire. Une partie de la population a pris les armes, répondant à l’appel du président ukrainien Volodymyr Zelensky de défendre le pays ; une autre partie s’est réfugiée dans les couloirs du métro pour éviter les bombardements mais la situation reste extrêmement dangereuse, précaire et instable. Plus de 800.000 ukrainien·nes ont trouvé refuge dans les pays frontaliers. Plusieurs cas de racisme auraient été observés aux frontières, à l’égard de personnes de couleur : malgré les réfutations des autorités polonaises et ukrainiennes, de nombreux témoignages dénoncent une « hiérarchisation » des réfugié·es visant à prioriser les ukrainiens blancs. 

Sur la scène internationale

L’entrée en guerre de la Russie est survenue après plusieurs jours de tension à la suite de la reconnaissance par Vladimir Poutine de l’indépendance de deux territoires séparatistes prorusses – Donetsk et Louhansk – dans la région du Donbass à l’est de l’Ukraine. Dans la foulée, Poutine a signé des accords d’entraide avec ces territoires. Selon le porte-parole du Kremlin, ces accords justifient l’intervention des forces armées russes. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky revendique la souveraineté de son pays et appelle la communauté internationale à soutenir l’Ukraine. Une série de sanctions économiques et financières ont été annoncées par les pays occidentaux, ainsi que l’exclusion de la Russie de divers événements culturels et sportifs. Pour la première fois de son histoire, l’UE a décidé de soutenir un pays tiers, l’Ukraine, en débloquant 450 millions d’euros pour l’envoi d’une assistance militaire à Kiev. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a accusé Poutine de ruiner la paix en Europe, contrairement à ce que souhaite le peuple russe. Lors d’une visioconférence au Parlement Européen, Zelensky a réclamé l’intégration « sans délai » de son pays à l’Union Européenne.
 
L’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord : une alliance politico-militaire qui promet la protection mutuelle de ses états-membres en cas d’attaque) mais la Pologne, état voisin de l’Ukraine, a invoqué l’article 4 du traité de l’Alliance et la menace planant sur sa propre sécurité pour mobiliser les trente pays membres. Une réunion extraordinaire doit avoir lieu vendredi à Bruxelles.
La Banque mondiale prépare une aide de 3 milliards de dollars pour l’Ukraine. Dimanche 28 février, une première phase de négociation a eu lieu en Biélorussie sans que l’intensité des combats ne diminue sur le sol ukrainien. L’Ukraine résiste et refuse toute capitulation. La Russie réclame la démilitarisation totale de l’Ukraine, considérée comme une menace en tant qu’alliée des Occidentaux.

Une guerre de (dés)information

En marge des combats sur le terrain, une véritable guerre de l’information fait rage, notamment sur les réseaux sociaux. Manipulation et décontextualisation des images et vidéos, fausses déclarations… Les fake news pullulent des deux côtés et sont largement relayées sous le coup de l’émotion ou pour pallier le manque d’informations. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est également la cible de rumeurs visant à le décrédibiliser ou à influencer le conflit. En Russie, les manifestations contre la guerre ont été interdites et des centaines de personnes exprimant leur désaccord avec Moscou ont été arrêtées. Plusieurs médias indépendants russes sont également impactés : d’après The Kyiv Independent, la Russie a interdit les principaux médias d’opposition TV Rain et Echo of Moscou. Au sein de l’UE, les médias d’Etat russes RT et Sputnik accusés de colporter des « mensonges pour justifier la guerre de Poutine » ont été interdits.
Au moment de l’écriture de cette fiche, la situation continue à se détériorer et l’incertitude demeure quant à l’évolution de ce conflit armé aux portes de l’Europe.
 
Marine Bardin
Mercredi 2 mars 2022
 

PENSER LES FAITS

Autodétermination

Les régions de Donetsk et de Lougansk, dans le Donbass, sont habitées par des Ukrainien·ne·s dont la majorité parle la langue russe et est favorable à l’idée de vivre selon les règles de la société russe. Il semble que ces habitant·e·s, pour la plupart, souhaitent l’indépendance de leur région, créer un nouvel État ou rejoindre la Russie.
Une partie d’un pays peut-elle revendiquer son indépendance ? Cela a été massivement le cas dans les années ‘60 avec les mouvements indépendantistes qui ont secoué les colonies européennes. On estime aujourd’hui que ces déclarations d’indépendance étaient légitimes en raison de la domination dont ces pays souffraient dans le régime colonial. Est-ce le cas ici ? Les Catalan·es, les Breton·nes, les Corses, les Écossais·es, les Flamand·es, les Néo-Calédonien·nes ou les Lombard·es peuvent-ils et elles réclamer de faire sécession du pays auquel ils et elles appartiennent aujourd’hui ? Pour quelle(s) raison(s) serait-ce légitime ? Pour des raisons culturelles, économiques ou autres ?
 

La guerre des mots et des images

Vladimir Poutine utilise des mots excessivement connotés en parlant par exemple de « dénazification » de l’Ukraine. En Occident, les termes pour désigner le président Poutine sont également souvent assez forts (dictateur, tyran, fou). Les communiqués publiés par les deux parties ne disent pas la même chose et les photos partagées ne racontent pas la même histoire.
Ces récits visent à s’attirer l’adhésion de son opinion publique et ses émotions1. Dès lors, comment savoir ce qu’il se passe réellement sur place ? Devant cette difficulté, trouvez-vous important de s’informer ?
La difficulté de comprendre une réalité complexe vous décourage-t-elle ? Vous encourage-t-elle ? Comment vous informez-vous ?
Qu’est-ce qui distingue l’information de la propagande ? Les médias doivent-ils rester le plus neutres possible ou peuvent-il , soutenir ou faire de la propagande pour une partie ou une autre ? S’ils peuvent présenter une finromation orientée, quel critère vous semble-t-il acceptable pour définir cette orientation ? L’avis personnel des journalistes ? Celui du ou de la propriétaire du journal ? Celui de l’opinion publique (sa clientèle) ?
 

Loi du plus fort et loi du plus riche

La Russie considère que sa sécurité est menacée si l’Ukraine adhère à l’OTAN, son « ennemi » historique. Elle aimerait, aussi, s’assurer le contrôle des richesses d’une partie de l’Ukraine. L’Ukraine, pour sa part, souhaite vivre en paix et décider elle-même de ses propres affaires, adhérer librement à l’OTAN pour sa sécurité.
Est-il acceptable de vouloir imposer sa volonté à quelqu’un d’autre ? N’est-il pas normal, naturel, légitime, que chacun·e poursuive ses propres intérêts ? Faut-il freiner ses propres aspirations pour ne pas nuire à quelqu’un d’autre ? Ne peut-on pas renoncer à son intérêt afin de respecter celui d’un autre ?
Se pose ensuite la question des moyens dont on use pour atteindre ses objectifs. On peut y renoncer pour respecter l’autre, on peut négocier. L’invasion de la Russie en Ukraine illustre une situation de conflit inégal. L’armée russe est, sur le papier, considérablement plus puissante que celle de son voisin ukrainien. Pourtant, depuis notre plus tendre enfance, on nous apprend qu’existe un devoir moral s’imposant aux plus grands de protéger les plus petits, aux plus forts de prendre soin des plus faibles. La Russie, pour des raisons qu’elle estime légitimes, ne respecte pas ce principe. Pourquoi, au fond, les plus forts devraient-ils se préoccuper des plus faibles ?
L’Europe intervient indirectement dans le conflit en soutenant l’Ukraine. Trouvez-vous cette intervention légitime ? Peut-on intervenir dans le conflit qui oppose deux autres États ? Certains disent même que c’est un devoir, le devoir d’ingérence. Qu’en pensez-vous ?
L’Europe est aussi plus riche que la Russie (dont le PIB est inférieur à celui du seul Bénélux). En prenant des mesures de rétorsion sur le plan économique, elle fait jouer la loi du plus riche. Qu’est-ce qui est le plus juste : la loi du plus fort ou celle du plus riche ? Qu’est-ce qui définit qu’une loi est juste ? En quoi est-il important, ou non, de mobiliser le critère de la justice dans le choix de ses décisions ? Dans ce monde interconnecté où tout est interdépendant, une même règle peut-elle être applicable dans tous les cas ?

Mobilisation générale, vraiment générale ?

Les autorités ukrainiennes ont annoncé la mobilisation militaire générale pour contrer l’invasion russe du pays. La mesure concernera ceux soumis « à la conscription militaire et les réservistes ». En outre, plus aucun homme âgé de 18 à 60 ans ne peut plus quitter le territoire national afin de s’assurer de leur disponibilité en cas de besoin.
Certaines femmes rejoignent les forces armées. Elles le font cependant sur une base volontaire. Pensez-vous qu’il soit normal de traiter différemment les hommes et les femmes ? Ceci ne participe-t-il pas à perpétuer une image simpliste et stéréotypée selon laquelle « les femmes sont destinées à donner la vie ; les hommes à la retirer » ou encore « les hommes doivent protéger les femmes et les enfants » (les femmes et les enfants d’abord) ? Que décideriez-vous à cet égard si vous étiez le ou la président·e du pays ?
 

Objection de conscience

La conscience de certaines personnes ne leur permet pas de tuer un autre être humain. Elles refusent donc obstinément de porter une arme, cet outil dont la destination est précisément de donner la mort. Du temps où le service militaire était obligatoire en Belgique (il le reste dans de très nombreux pays), plusieurs solutions leur étaient proposées (selon l’évolution de la loi) : (i) le service non armé dans les cuisines et les infirmeries, par exemple (mais beaucoup refusaient car ils considéraient qu’ils participaient quand même, indirectement, à tuer des gens) ; (ii) le service civil à la société et (iii) la prison.
Comprenez-vous les objecteurs de conscience ? Considérez-vous au contraire qu’il s’agit de lâches et/ou d’égoïstes qui profitent de la sécurité de leur pays sans participer à sa défense ? Quel serait votre choix si vous y étiez confronté·e ? Certain·e·s soulignent que si tout le monde faisait pareil, le système ne tiendrait pas. Peut-on faire le parallèle avec la vaccination contre la covid (au sens où des personnes qui choisissent de ne pas se faire vacciner profitent de la diminution de la présence du virus consécutive à la vaccination des autres) ?
En Érythrée, le service militaire est à durée indéterminée. Certain·es (il est aussi obligatoire pour les femmes) y ont passé plus de 10 ou 15 ans. Comprenez-vous que des Érythréen·nes décident de fuir le pays et de chercher refuge sous des cieux plus cléments ?

Qui Vladimir Poutine engage-t-il ?

D’un point de vue légal, quand Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, prend une décision, il engage la nation russe. Peut-on pour autant dire qu’il engage chaque citoyen·ne de son État ? Tout le monde, en Russie, n’est pas d’accord avec l’invasion de l’Ukraine. Comment vivriez-vous une situation où les personnes qui vous représentent prennent des décisions qui vont à l’encontre de ce que vous pensez ?
Dans un État démocratique, on peut manifester son désaccord. Ainsi des milliers de personnes ont récemment manifesté, en Belgique, leur désaccord avec les décisions prises par le gouvernement belge en matière de gestion de la pandémie de covid, en matière de respect des droits des migrant·e·s ou en matière de lutte contre le changement climatique. En Russie, les personnes qui ont manifesté pacifiquement leur opposition aux opérations militaires en Ukraine ont été arrêtées. Pensez-vous que l’idée selon laquelle une nation en guerre doit paraître unie derrière son·sa chef·fe justifie qu’on empêche les gens d’exprimer leur désaccord ?
« Not in my name » est un mouvement qui est né aux États-Unis d’Amérique pour protester contre la politique belliciste des autorités américaines après les attentats du 11 septembre 2001. Le slogan fut repris, notamment en Europe pour s’opposer à la participation des forces armées européennes à la guerre du Golfe en 2003. Il est régulièrement repris par des manifestant·es qui veulent exprimer qu’ils et elles se désolidarisent des décisions prises par leurs autorités publiques. Que pensez-vous de ce type d’expression ? Que pensez-vous de la répression de ce type de manifestation par les autorités russes ?
 
 
1. Du type « c’est l’autre qui a commencé » etc. À ce sujet, (re)voir les 10 principes élémentaires de propagande de guerre repris par A. Morelli: https://fr.wikipedia.org/wiki/Principes_%C3%A9l%C3%A9mentaires_de_propagande_de_guerre 

Pour aller plus loin :

 

 

 

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Squid Game : ceci n’est pas un jeu

Squid Game : ceci n’est pas un jeu

 

Octobre 2021

 

Cette fiche est rédigée à l’attention des tou·te·s les enseignant·e·s et éducateur·rice·s de secondaire. Elle propose différentes pistes de réflexion parmi lesquelles choisir afin de mener une discussion de 15 minutes (ou plus si le contexte le permet).

Les faits

La série Squid Game, du réalisateur sud-coréen Hwang Dong-hyuk, est diffusée sur la plateforme américaine de streaming Netflix depuis le 17 septembre 2021. Tout comme la trilogie Hunger Games (sortie au cinéma en 2012) ou Battle Royale (2000), Squid Game est un « survival » ou « jeu de survie » : les concurrent·e·s s’y affrontent jusqu’à la mort. Dans Squid Game, 456 joueur·euse·s endetté·e·s espèrent gagner 45,6 milliards de won – la monnaie coréenne, soit 33 millions d’euros – en participant à des jeux d’enfants (1 2 3 Soleil, tirs à la corde, jeux de billes, etc.) où les perdant·e·s sont, au fur et à mesure, exécuté·e·s.

Netflix – qui compte désormais plus de 200 000 millions d’abonné·e·s dans le monde – est peu transparent sur les chiffres de diffusion de ses programmes. Néanmoins, la plateforme a annoncé le 13 octobre, via un tweet, que 111 millions d’abonné·e·s avaient visionné Squid Game depuis sa mise en ligne, sans pour autant préciser si ces dernier·ère·s l’avaient regardée dans sa totalité ou seulement quelques minutes. Squid Game est donc la série qui connaît le plus impressionnant démarrage de l’histoire de Netflix. En raison des chiffres d’audience, Netflix a en quelque sorte une influence sur l’agenda médiatique et culturel : même si on n’a pas regardé la série, elle s’invite dans les conversations avec les amis, la famille etc.

Parce qu’elle est ultra-violente, Squid Game est interdite au moins de 16 ans, ce qui n’empêche pas certain·e·s de la regarder, avec ou sans leurs parents. De nombreux extraits et photos de Squid Game sont visibles sur YouTube ou circulent sur les réseaux sociaux. Au-delà des jeux d’enfants qui y sont présents, la série coréenne attire le regard des plus jeunes avec son univers composé de couleurs acidulées, ses jouets (dont une terrifiante poupée géante) et ses références aux jeux vidéo. Début octobre, les directions de plusieurs écoles primaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont fait savoir que des enfants s’en inspiraient dans leurs jeux, dans les cours de récréation.

Comme le rappelle Bruno Humbeeck, psychopédagogue à l’UMons, sur le site rtbf.be, la violence dans cet espace clos qu’est la cour de récréation existe depuis longtemps : « La cour de récréation est un espace qui génère naturellement de l’agressivité, on le sait depuis des années, donc il faut pouvoir le contrôler et mettre en place des mécanismes qui vont éviter qu’un enfant puisse imaginer qu’il n’y a pas de loi dans l’école. » Notamment pour canaliser cette violence, certaines écoles primaires et secondaires régulent la cour de récréation en divisant cet espace en plusieurs zones (espace calme ; espace de jeu libre : espace pour les jeux de ballon) mais aussi en favorisant le dialogue pour désamorcer et résoudre les conflits qui y naissent.

Le phénomène Squid Game fait beaucoup de bruit et interpelle… Au-delà de la violence et d’une certaine forme de perversité, il aborde des thématiques universelles que sont la vie et la mort mais aussi la pauvreté et les inégalités sociales. Il porte aussi ce message et cette question sur notre société : jusqu’où des personnes désespérées sont-elles prêtes à aller ?

Anouck Thibaut

Penser les faits : quelques pistes

Valeur d’une vie humaine

Squid Game, ce sont 456 personnes endettées, rassemblées sur une île, en milieu clos, pour participer à un « jeu » et tenter de rapporter une somme colossale, à condition d’être la seule personne survivante. Si vous pouviez décider du personnage gagnant ou des quelques personnages survivants qui se partageraient le magot, qui désigneriez-vous ? Pourquoi ? On peut distinguer quatre catégories de critères. (i) Ce que le personnage fera avec l’argent gagné. On peut ainsi préférer une personne considérée comme criminelle mais qui offrira son argent aux pauvres à une autre personne perçue comme étant une « sainte » mais qui le gardera pour soi. (ii) Les caractéristiques physiques du personnage. On peut préférer une personne avenante et sexy à une personne vilaine. (iii) Le caractère du personnage. On peut préférer une personne qui fait attention aux autres à une personne égoïste. (iv) Le passé du personnage. On peut préférer la personne qui n’a jamais fait de mal à celle qui en a déjà fait beaucoup. Faire émerger ces critères, les mettre en balance dans les réponses des élèves. Qu’est-ce qui détermine la « qualité » d’une personne ? À qui revient le mérite de la « qualité » d’une personne ? À celle-ci ? À ses parents ? À la chance ? Si Edmond n’a jamais volé, est-ce parce qu’il est foncièrement honnête ou parce qu’il a toujours vécu confortablement et n’a jamais éprouvé la nécessité de voler ? Si Suzanne est forte en math, est-ce par son propre mérite ou bien parce que ses parents les lui ont expliquées, lui ont offert des cours particuliers ? Si on classait les gens par ordre de « qualité » ou par ordre de « mérite », obtiendrait-on le même classement ? Lequel faudrait-il utiliser pour décider d’éliminer des gens ? Pensez-vous que vous pourriez prendre cette décision ?

Jouer avec la vie d’autrui est-il acceptable ? Le jeu, la mort des autres peuvent-ils être un spectacle ? Dans quel(s) cas seriez-vous prêts à fermer les yeux sur une situation qui vous semble moralement douteuse mais financièrement intéressante ? D’après vous, la fin justifie-t-elle les moyens ? Et si la victoire s’accompagne de sacrifices, est-ce vraiment une victoire ? Y a-t-il un seuil à ne pas dépasser – et si oui, sur quoi repose-t-il ?

Les protagonistes s’inscrivent à ce jeu pour gagner de l’argent avec lequel ils et elles pourront faire quelque chose d’important à leur yeux (soigner sa mère, par exemple). Ces personnes ne le savent pas au moment où elles s’inscrivent, mais au final, ces personnes risquent leur vie pour cet objectif. Qu’est-ce qui mérite qu’on risque, voire qu’on donne sa vie ? Des gens ont donné leur vie pour leur patrie et/ou pour lutter contre le régime nazi. D’autres ont donné la leur pour sauver des gens. D’autres dans des attentats terroristes. Pourquoi seriez-vous prêts à donner votre vie ?

À la fin de la série, la personne qui remporte l’argent se retrouve seule, isolée et traumatisée par les différentes étapes du jeu. Cette personne choisit de continuer à vivre la même vie qu’avant, malgré l’énorme somme d’argent remportée. D’après-vous, pourquoi refuse-t-elle de vivre différemment ? Qu’est-ce que cette personne a gagné en gagnant le jeu ? Qu’est-ce qu’elle a perdu ? Quelle est la valeur véritable de sa victoire ?

Phénomène de groupe

Au fil des épisodes de la série, des dissensions apparaissent au sein du groupe, creusant un véritable fossé entre les protagonistes ; chaque camp se polarise et la situation dégénère. Au contact des autres, notre comportement est modifié : on peut parfois avoir plus de mal à s’affirmer, à montrer son désaccord, à accepter de se démarquer en adoptant un comportement singulier et ce, même quand nous ne sommes pas en accord avec une décision ou quelque chose qui serait attendu de nous. Pourquoi ? Les relations entre les personnes au sein d’un groupe sont-elles toujours régies par une logique de domination et /ou de soumission ? Peut-on se distinguer au sein d’un groupe sans en être exclu·e ?

Une partie de notre identité est façonnée par notre appartenance à divers groupes : un segment de la société (ex : élèves), un lieu (Bruxelles, la Wallonie, la Belgique, etc.) une classe, un hobby, un cercle d’ami·e·s, etc. Le fait d’appartenir à un groupe nous rassure ; mais jusqu’où sommes-nous prêt·e·s à aller pour faire partie d’un groupe ? L’individu peut-il parfois « disparaître » dans le groupe par conformisme social ? Peut-on continuer à être soi-même au sein d’un groupe ou est-on forcé·e – ou inexorablement voué·e·s – à devenir comme les autres membres du groupe ? Quelle est l’importance de votre sens critique au sein d’un groupe (un groupe d’ami·e·s ou le groupe société civile) ? À quel moment devient-on un « mouton » ? À votre avis, sommes-nous réellement libres quand nous faisons partie d’un groupe ? Et si oui, jusqu’à quel point ? Où commence et où s’arrête notre liberté ? Le groupe est-il plus fort que l’individu ? Plus juste ? Qu’est-ce qui fait la force d’un groupe : son homogénéité ou les différences qui coexistent en son sein ?

La représentation de la violence – le mirage de la fiction

Dans les films, les séries, les clips ou sur les réseaux sociaux, la violence est présente. Elle peut être physique (coups, blessures, etc.), verbale (insultes, etc.) ou morale (harcèlement, etc.). Selon vous, existe-t-il une sorte de mode de la violence actuellement ? La violence mise en scène dans les films, les clips, les livres est-elle un exutoire à la violence de la société ? Peut-être sommes-nous toutes et tous intrinsèquement violent·e·s mais nous avons appris à vivre ensemble en observant un code de conduite, un contrat social qui fait que nous nous respectons les un·e·s les autres ? Qu’en pensez-vous ? Dans quelle situation la violence peut-elle se justifier ? La violence est-elle toujours grave ?

Dans certains établissements scolaires, des enfants ont reproduit le jeu 1,2, 3… soleil qui apparaît dans le premier épisode de la série : les perdant·e·s ont été battu·e·s ou fouetté·e·s avec des cordons. Cette violence a été directement dénoncée par les enseignant·e·s. Que feriez-vous si vous étiez témoin d’une scène similaire ?

Comment expliquer le succès de la série auprès des jeunes ? D’après vous, vaut-il mieux interdire aux enfants de regarder Squid Game ou au contraire, les laisser regarder la série en compagnie d’un·e adulte et avoir une discussion permettant l’analyse par la suite ? La signalétique visant à protéger la jeunesse de scènes inappropriées (-16 ans, -18 ans) est-elle pertinente à l’heure du numérique ou la facilité d’accès aux écrans rend-elle cela dérisoire ?

La série diffusée sur Netflix est interdite aux moins de 16 ans, mais de nombreux extraits sont disponibles sur TikTok, Twitch ou YouTube. Téléphones, tablettes, ordinateurs, TV, etc.  Aujourd’hui, les écrans sont omniprésents. Les images que nous regardons au quotidien proviennent de faits réels, de fictions ou de scénarios reprenant tous les codes de la réalité, et alimentant ainsi un certain trouble entre un récit inventé de toutes pièces et notre propre vie. Laisse-t-on parfois l’irréel influencer le réel ? Dans quelle mesure acceptons-nous de nous laisser influencer par quelque chose de fictionnel ? La fiction est-elle parfois préférable à la réalité ?

L’atmosphère sonore et visuelle de la série est très travaillée : des couleurs pastel, des musiques douces comme des comptines, un imaginaire emprunté à l’enfance et aux thèmes qui y sont liés (innocence, douceur, protection). Cette esthétique met en exergue le danger constant qui plane dans le centre, la tension et l’angoisse omniprésentes. Sublimer la violence nous permet-il de mieux l’accepter ? Peut-on être dupé par le « beau » ? Quelque chose de foncièrement mauvais – un geste, une attitude, une parole, un système, une personne – est-il plus acceptable quand il est esthétiquement beau ?

Le jeu et les codes du jeu

Dans Squid Game, le jeu dégénère très rapidement. À quel moment un jeu cesse-t-il d’en être un ? Est-ce encore un jeu si il y a une conséquence dans la vie réelle ? D’après l’historien Johan Huizinga, certaines conditions sont à respecter pour qu’un jeu soit reconnu – et reconnaissable – comme tel : les participant·e·s doivent être volontaires, ils et elles ont librement et délibérément fait le choix d’y participer. Le jeu s’organise en marge de la vie réelle, dans un contexte fictif, durant un temps imparti et dans un espace défini (ex: une marelle, un terrain de football, etc.) qui permet aux participant·e·s d’en sortir à tout moment.

Un jeu peut-il prendre le dessus sur la réalité ? Selon vous, est-ce que d’autres principes (éthiques, moraux, etc.) doivent s’appliquer à un jeu ? À quel moment considère-t-on qu’un jeu va trop loin ? Est-ce encore un jeu si le bien-être (physique ou mental) d’autrui est impacté ? Où se situe la frontière entre le fait de sortir de sa zone de confort et véritablement dépasser les limites ? Cette frontière est-elle définie par les règles du jeu ou par le libre arbitre de chacun·e ? Sous prétexte qu’il s’agit d’un jeu, peut-on faire faire n’importe quoi à autrui ?

L’attrait des séries

Le format de type « série » n’est pas nouveau. Néanmoins, on constate ces dernières années une recrudescence du nombre de séries produites et visionnées. Alors qu’auparavant, elles étaient diffusées à la télévision, à une heure précise (de manière linéaire), elles sont à présent disponibles à la demande (de manière délinéarisée).
Les séries contiennent plusieurs épisodes, permettent de suivre l’évolution des personnages, d’entrer en profondeur dans une histoire, de s’attarder sur certains détails d’une intrigue, d’aborder différents points de vue. Elles sont conçues pour être captivantes. La fin d’un épisode est en général construite pour donner envie de voir l’épisode suivant (cliffhanger). Et vous, quels types de contenus (films, séries, vidéos…) consommez-vous ? Quel genre de séries ? Comment sélectionnez-vous ce que vous regardez ? Selon quels critères ? Comment expliquer cet attrait pour les séries ? Que manque-t-il à la « vraie » vie pour être aussi passionnante que les séries ? Qu’offre la « vraie » vie que les séries n’offrent pas ? Quel point ? Où commence et où s’arrête notre liberté ? Le groupe est-il plus fort que l’individu ? Plus juste ? Qu’est-ce qui fait la force d’un groupe : son homogénéité ou les différences qui coexistent en son sein ?

Marine Bardin

Pour aller plus loin :

Bertrand Henne :  Squid Game, le massacre démocratique (rtbf.be)
RTBF : Des comportements violents inspirés de Squid Game observés dans nos écoles: « Pour avoir le dialogue, il faut avoir regardé » (rtbf.be)
RTBF : Squid Game : la signalétique jeunesse est-elle hors-jeu face à l’artillerie acidulée de Netflix ? « Le contrôle parental est indispensable » (rtbf.be)
CSEM : Disrupting series – Détournements de genre dans les séries
CSEM : Des pistes pédagogiques pour aborder l’éducation au cinéma et à l’image
Média Animation : Éducation aux médias & jeux vidéo : des ressorts ludiques à l’approche critique

Photos : crédits Netflix / AFP

 

 

 
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