Janvier 2021

Cette fiche est rédigée à l’attention des tou·te·s les enseignant·e·s et éducateur·rice·s de secondaire. Elle propose différentes pistes de réflexion parmi lesquelles choisir afin de mener une discussion de 15 minutes (ou plus si le contexte le permet).

Les faits

Donald Trump (Républicain) avait remporté les élections du 8 novembre 2016 sur Hillary Clinton (Démocrate) au nombre de grands électeurs.

Tout son mandat a été émaillé de moments « atypiques » pour un Président des Etats-Unis. Et par une utilisation frénétique des réseaux sociaux, où il ne manquait pas d’évoquer des « vérités alternatives ».

La 59e élection présidentielle américaine a lieu le 3 novembre 2020. L’élection a connu un taux de participation exceptionnel. Joe Biden (démocrate) a obtenu plus de 51% des voix et Donald Trump 46%. Les Grands électeurs se sont répartis entre 306 pour Biden et 232 pour Trump.

Mais bien avant le scrutin, Donald a annoncé sa conviction que ces élections seraient gravement entachées d’irrégularités à son détriment. Le soir du vote, il a refusé de reconnaître sa défaite, évoquant des « fraudes massives » et « une élection volée », entamant de nombreux recours en la justice. Tous ses recours ont été autant d’échecs, ce qui ne l’a pas empêché de maintenir ses accusations.

Mercredi 6 janvier, le Congrès américain devait certifier la victoire de Joe Biden, simple formalité protocolaire d’ordinaire. Donald Trump ne désespérait pas de faire annuler la victoire du démocrate par le vice-président Mike Pence, qui préside la séance. Il avait aussi appelé ses partisan·ne·s à manifester à Washington et prévu de s’adresser à elles/eux avant cette cérémonie. Il a encore martelé : « nous avons remporté cette élection, et nous l’avons remportée largement » et a galvanisé ses partisan·ne·s en leur demandant de se diriger vers le Capitole pour exprimer leur colère.

S’en est suivie une prise d’assaut par ses partisans du Capitole, symbole de la démocratie américaine. Bilan : quatre morts, bureaux saccagés et séance interrompue. Elle reprendra dans la nuit, un climat de consternation s’installant dans le monde, alors que par ailleurs, les démocrates remportaient deux sièges de sénateurs en Georgie et par là la majorité au Sénat.

« Restez pacifiques », avait-il plaidé sur Twitter, au plus fort de l’invasion, avant que son compte et celui de Facebook ne soient suspendus.

Trump admettait le lendemain la fin de son mandat et promettait une «transition ordonnée », dans un communiqué transmis à la presse répétant qu’il ne reconnaissait pas les résultats de l’élection présidentielle.

Après la journée de chaos ce mercredi 6 janvier, Donald Trump, accusé d’avoir « allumé la mèche », peut-il rester président des États-Unis treize jours de plus ? C’est la question, alors que certains évoquent le 25e amendement autorisant le vice-président et une majorité du cabinet à déclarer le président « inapte » à exercer ses fonctions.

Bernard Chateau

Penser les faits : quelques pistes

Activisme

L’activisme désigne un engagement politique qui vise l’action directe, pour faire entendre le mécontentement ou les demandes d’un groupe de personnes.

Les manifestant·e·s qui ont envahi le Capitole sont révolté·e·s contre une situation (exacte ou pas exacte, mais ils y croient) qui les indigne. Ils/elles ont manifesté dans la rue, se sont rendu·e·s devant le Capitole, ont voulu empêcher la tenue de la réunion en cours, ont affronté les forces de l’ordre qui voulaient le leur interdire, les ont débordées et sont allé·e·s mettre la pagaille dans les bureaux.

Qu’est-ce qui dérange et ne dérange pas, parmi les éléments suivants [1]?
a. Des personnes ne croient pas les résultats officiels des élections.
b. Des personnes en colère veulent agir pour changer la situation qui les met en colère.
c. Des personnes manifestent dans la rue pour dire qu’elles ne sont pas d’accord, donnent leur avis alors qu’on ne le leur demande pas.
d. Des personnes veulent empêcher une réunion des parlementaires, veulent empêcher le fonctionnement de la démocratie.
e. Des personnes n’obéissent pas aux forces de l’ordre.
f. Des personnes mettent à sac un bâtiment, cassent des choses, mettent le désordre dans les affaires des gens qui y travaillent.
g. Le bâtiment que les personnes mettent à sac est le Parlement (si on mettait à sac les bureaux d’une entreprise privée, ce serait moins grave) ?

Désobéir

Les actions de protestation, même pacifiques, peuvent être illégales. Exprimer sa colère et son opinion permet-il tous les comportements ? Permet-il notamment de ne pas respecter la loi ? Par exemple, rater les cours pour aller manifester pour une justice climatique ou envahir le capitole pour suspendre la confirmation de l’élection d’un nouveau président.

Imaginons un instant que, comme le pensent les partisan·ne·s de Donald Trump (mais aucune preuve matérielle sérieuse ne le confirme), il y ait vraiment eu de la fraude pendant les élections et qu’existe vraiment un complot pour faire gagner injustement Joe Biden. Sous cette hypothèse, ces gens auraient-il raison de faire tout ce qu’ils peuvent empêcher l’élection de Joe Biden ?

La plupart des révolutions, des changements de régimes se sont déroulés de manière violente, notamment pour sortir de dictatures. Pourquoi traite-t-on leurs auteur·e·s de héros et condamne-t-on les partisans de Donald Trump qui ont le sentiment d’agir pareillement ?

La désobéissance civile [2]
Dans « La désobéissance civile » (1849), Henry David Thoreau défend l’idée que le citoyen qui ne s’oppose pas à une politique injuste menée par son pays en devient le complice. C’est la raison pour laquelle il avait, 3 ans plus tôt, refusé de payer un impôt en signe d’opposition à l’esclavage et à la guerre contre le Mexique. Cela lui avait valu un séjour en prison. Cette idée de désobéissance civile a inspiré des personnes telles que Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela. « Pour être qualifié de désobéissance civile, le non-respect d’une norme doit être non-violent. Son auteur doit rechercher en l’accomplissant publiquement, la satisfaction de l’intérêt général. »[3] D’aucun·e·s établissent 7 critères permettant d’assimiler une action à de la désobéissance civile. Elle doit (i) être collective, (ii) être publique, (iii) être illégale (ou extra-légale), (iv) être non-violente, (v) intervenir en plus d’une action en justice, (vi) être constructive, proposer des alternatives et (vii) que ses participant·e·s acceptent les risques de sanction.

Réseaux sociaux et traitement des informations

Les réseaux sociaux sont devenus un moyen privilégié de communiquer directement avec le public, sans dépendre des rédactions de presse et de l’intermédiaire d’un·e journaliste. Depuis le début de son mandat, Trump les utilise abondamment pour y diffuser « sa » vérité ou «  vérités alternatives » mêlant informations approximatives voire fausses, propos calomnieux.

Ce 6 janvier, Twitter, Facebook, Instagram et Snapchat ont décidé de bloquer les comptes du Président des États-Unis.
Les responsables de ces réseaux peuvent-ils/elles décider seul·e·s de censurer l’un·e ou l’autre ? Quelles règles estimeriez-vous nécessaire qu’un réseau social applique avant de prendre ce type de décision ? Et si, un jour, les dirigeant·e·s des plate-formes étaient extrémistes et censuraient des paroles « démocratiques » ? Que se passerait-il ?

Quelle différence faire entre une sanction décidée par une personne privée et celle d’un juge, établie au terme d’un procès qui respecte des règles d’équitabilité (juger de façon indépendante et impartiale après avoir écouté tous les points de vue et au vu des lois) ?

Le mensonge court toujours plus vite que la vérité. Sur le web, les fausses informations se répandent six fois plus rapidement que les vraies. Quand une fausse information est diffusée, le démenti qui suit sera toujours moins partagé que la fausse nouvelle elle-même. Comment faire ? Reconnaissez-vous facilement une fausse information ? Comment réagissez-vous quand vous recevez une fausse information ?

Violence de l’État

Voici un peu plus de cent ans, Max Weber a, le premier, mis en avant l’idée selon laquelle la police est l’une des institutions dépositaires du monopole de la violence physique légitime. En dehors de cas particuliers tels que la légitime défense, un·e citoyen·ne ne peut faire usage de la violence physique.

Les États-Unis se sont construits sur l’idée qu’il fallait circonscrire les pouvoirs de l’État. La Constitution américaine de 1776, qui a inspiré, en France la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et puis, en 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme, repose sur l’idée qu’il faut défendre les citoyen·ne·s contre l’arbitraire de l’État. On les protège ainsi contre les immixtions dans leur vie privée, contre les arrestations arbitraires, contre les confiscations, contre les procès inéquitables, etc. Le droit de porter une arme s’explique, aux États-Unis, par la nécessité de doter les citoyen·ne·s des moyens de combattre l’État si celui-ci devait enfreindre ces principes.

Selon vous, la violence doit-elle être le monopole de l’État ? Jusqu’où la police peut-elle aller dans l’usage de la violence ? Existe-t-il des circonstances où vous estimez que des citoyen·ne·s auraient le droit d’utiliser la violence par le biais, notamment d’une arme à feu ? Qui juge que ces circonstances sont rencontrées ?

Violence et discrimination

Aux États-Unis, les forces de police de tout le pays ont commis des violations graves et généralisées des droits humains au cours de manifestations majoritairement pacifiques contre le racisme systémique et les violences policières (voir à ce sujet l’article d’Amnesty International). Or, le dispositif policier était très faible lors de la prise d’assaut du Capitole, alors que le risque était connu. D’aucun·e·s critiquent ce manque d’anticipation et « l’indulgence » des autorités, en comparaison, par exemple, à la manifestation Black Lives Matters pour laquelle le déploiement des forces de l’ordre était considérable.

Peut-il y avoir « deux poids, deux mesures » dans l’usage de la force par l’État ? Y a-t-il des situations, selon vous, qui justifient un certain laxisme des forces de l’ordre et d’autres qui nécessiteraient plus de fermeté ? Pour quelles raisons ? Comprenez-vous que certain·e·s, indigné·e·s, soient tenté·e·s par la violence pour faire changer les choses ?

Le vote

Le vote sert à élire nos représentant·e·s qui voteront des lois et désigneront un gouvernement. C’est le régime politique qui existe en Belgique. Un·e parlementaire représente la population. Il ou elle ne peut donc pas, dans son mandat, ne défendre que son intérêt personnel. Pensez-vous qu’il soit possible que quelqu’un arrive à « s’oublier » au profit de l’intérêt général ?

Certaines personnes plaident pour que, en plus (ou à la place) des parlementaires élu·e·s, un certain nombre de représentant·e·s soient désignés par tirage au sort. Que pensez-vous de ce système ? Aimeriez-vous être ainsi tiré·e au sort pour représenter toute la population belge ?

Que l’on soit élu·e ou tiré·e au sort, représenter la population belge implique de la connaître. Or, la « population belge », cela recouvre de très très nombreuses situations, conditions de vie, opinions, besoins, attentes, etc. différents. Comment vous y prendriez-vous pour appréhender et concilier cette diversité ?

La puissance des États-Unis

Les images du Capitole ont fait le tour du monde. Pourtant, il n’est pas rare que de tels événements se déroulent un peu partout sur la planète. Pourquoi, selon vous, ceux-ci nous touchent et font la une partout dans le monde ? À d’autres endroits de la planète, de manière très fréquente, les principes démocratiques ne sont pas respectés.

Pourquoi ces images choquent-elles particulièrement quand elles se passent aux États-Unis ?
Pourquoi les médias les relaient-ils tant ? Pourquoi les gens en parlent-il plus dans la rue, sur les réseaux sociaux, etc. ?

Références

1 Note pour les enseignant·e·s. Ces éléments permettent de décomposer un fait global et complexe en composantes plus fines, permettant de circonscrire le périmètre du débat et de mieux faire apparaître les différents enjeux.
2 La ligue de l’éducation et de l’éducation permanente a produit un dossier sur la désobéissance civile.
3 https://www.jurisdoctoria.net/2017/03/la-reconnaissance-de-la-desobeissance-civile-en-democratie/

Ressources

  • Déjouer les pièges de la désinformation : http://csem.be/reperesfakenews

  • Comment les algorithmes influencent notre usage d’Internet:  http ://csem.be/reperesbigdata

  • Les journalistes en classe face à la désinformation : http://www.csem.be/journalistesenclassefacealadesinformation

Vivre ensemble dans un monde médiatisé/ les réseaux sociaux : http://csem.be/sites/default/files/files/lesreseauxsociaux.pdf

Réagir face à des fausses nouvelles : 

  • A l’école des réseaux sociaux » https://schoolofsocialnetworks.org/fr/pensee-critique-et-confiance-enseignants/
  • « nous sommes tous des diffuseurs » https://habilomedias.ca/ressources-p%C3%A9dagogiques/au-del%C3%A0-des-faits%C2%A0-nous-sommes-tous-des-diffuseurs

 

 

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