photo d'Olivier Vandecasteele

Février 2023

 Cette fiche est rédigée à l’attention des tou·te·s les enseignant·e·s et éducateur·rice·s de secondaire. Elle propose différentes pistes de réflexion parmi lesquelles choisir afin de mener une discussion de 15 minutes (ou plus si le contexte le permet).

Les faits

Olivier Vandecasteele est un travailleur humanitaire belge. Le 24 février 2022, il a été arrêté à Téhéran, en Iran. Il a été condamné à 40 ans de prison et 74 coups de fouet après un simulacre de procès, sans accès à des avocat·es de son choix. On lui reproche, selon l’agence de presse iranienne Tasnim, l’espionnage, la coopération avec les USA contre l’Iran, la contrebande de devises et le blanchiment d’argent.

Isolement total et conditions de vie difficiles

Olivier Vandecasteele est actuellement incarcéré à la prison d’Evin, dans la capitale iranienne, dans des conditions de vie difficiles. Il subit en effet un isolement complet dans une cellule sans mobilier, sans lit, avec un éclairage allumé en continu et une alimentation basique. Les plats qui lui sont fournis passent par une fente située dans le bas de la porte du cachot, sans aucun contact humain.

En juillet 2022, près de six mois après son incarcération, ses proches n’étaient entré·es en contact avec lui qu’une seule fois. L’ambassadeur belge à Téhéran lui a, pour sa part, rendu sept visites depuis sa condamnation. Au cours de la dernière rencontre, Olivier Vandecasteele est apparu amaigri.

La Belgique se mobilise

Les proches d’Olivier Vandecasteele se sont mobilisé·es en parcourant la Belgique afin de récolter des signatures pour la pétition lancée par Amnesty International.

Le 12 janvier dernier, une bâche a été déployée sur le beffroi de Tournai, ville dont il est originaire. Plusieurs communes ont voté des motions de soutien.

La ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib a affirmé que pour la Belgique, Olivier Vandecasteele était innocent et qu’il devait être libéré. D’ici là, elle a demandé une amélioration de ses conditions de détention. Le ministre belge de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a quant à lui attesté que les autorités iraniennes n’avaient donné aucune raison juridiquement valable à son incarcération.

En attente d’une décision de la Cour constitutionnelle

L’Iran souhaite que la Belgique libère Assadollah Assadi, un Iranien condamné en Belgique à 20 ans de prison pour un projet d’attentat terroriste contre l’opposition iranienne. La Belgique a négocié avec l’Iran un traité de transfèrement qui permettrait à des prisonniers belges condamnés en Iran de purger leur peine en Belgique, et réciproquement. Le projet est d’utiliser ce moyen pour échanger Assadolah Assadi avec Olivier Vandecasteele.

L’opposition iranienne s’y est toutefois opposée en introduisant plusieurs recours en justice. La Cour constitutionnelle se prononcera définitivement, au plus tard le 5 mars, sur le caractère légal ou illégal de la loi validant le traité sur le transfert de détenu·es. La prochaine audience devant la Cour constitutionnelle est prévue le 15 février. La décision devrait tomber dans la foulée.

Rédigé à partir de la contribution de Virginie Stassen

Penser les faits : quelques pistes

Le mauvais traitement

Olivier Vandecasteele est détenu dans des conditions épouvantables.

Comment peut-on expliquer de traiter de façon inhumaine un être humain ? Comment expliquer ce qu’on peut appeler une forme de cruauté gratuite ? Pensez-vous que vous pourriez, vous, traiter quelqu’un de cette façon ? L’expérience de Milgram montre que deux personnes sur trois peuvent, si elles sont mises dans les conditions adéquates, tuer de sang froid une personne qui ne leur a fait aucun mal. Sommes-nous si sûr·es d’être différent·es ?

Conditions de détention

La surpopulation des cellules et l’insalubrité des établissements pénitentiaires ont valu plusieurs condamnations à la Belgique. Comment explique-t-on que les Belges s’indignent des conditions de détention d’Olivier Vandecasteele, mais ne se soucient qu’assez peu de celles qui ont cours dans leurs propres prisons ?

Il n’avait qu’à pas…

Certain·es estiment qu’Olivier Vandecasteele a pris, en connaissance de cause, un risque inconsidéré en se rendant en Iran et qu’il « n’a que ce qu’il mérite ». La Belgique ne devrait pas, selon ce point de vue, dépenser de l’énergie pour obtenir sa libération. D’autres pensent au contraire qu’un pays doit toujours venir en aide à ses ressortissant·es, quoi qu’ils aient fait. Qu’en pensez-vous ?

Pour éclairer ce débat, on peut mentionner que quelqu’un qui prend sa voiture avec 4 grammes d’alcool dans le sang prend aussi un risque considérable avec sa vie (et celle d’autrui). Faut-il, s’il ou elle fait un accident, s’abstenir d’envoyer les secours ? Faut-il pareillement refuser de rembourser les frais médicaux des fumeurs et fumeuses atteint·es d’un cancer des poumons ?

Universalité des droits humains

Les autorités iraniennes ne respectent pas un certain nombre de droits fondamentaux. Peut-on dire que le fait que les autorités iraniennes ne respectent pas ces droits signifie qu’ils ne sont pas universels, inhérents à tout être humain ? Le fait que les iranien·nes manifestent dans les rues pour les obtenir signifie-t-il l’inverse ?

Si l’Iran veut décider qu’on peut incarcérer des gens qui n’ont rien fait, de quel droit pourrait-on l’en empêcher ? S’y opposer n’est-il pas une façon de se penser supérieur, de croire qu’on a le droit de lui faire la leçon alors que c’est un pays indépendant ?

L’Iran a pourtant signé un certain nombre de conventions internationales par lesquelles il s’engage à respecter les droits humains. Comment les autorités d’un pays peuvent-elles demander à ses habitant·es de respecter ses lois s’il ne respecte pas lui-même ses obligations internationales ? Pensez-vous que l’État doit montrer l’exemple ?

Que penser d’une personne qui ne respecte pas sa signature, son engagement, sa promesse ? Ce qui est vrai pour des personnes l’est-il pour un État comme l’Iran qui ne respecte pas les conventions qu’il a signées ?

Tout faire…

La famille d’Olivier Vandecasteele souhaite que tout soit entrepris pour libérer Olivier. On le comprend aisément si on se met une seconde à sa place.

Que signifie « tout » ? Imaginons que l’Iran demande une rançon, en argent. La Belgique devrait-elle payer, quel que soit le montant ? Que vaut une vie humaine ? « Tout entreprendre » pourrait-il signifier qu’il faut envoyer un commando sur place afin de le libérer ? Au point de risquer la vie des membres du commando ? Faut-il fixer des limites à ce que nous serions prêt·es à faire pour obtenir la libération d’Olivier Vandecasteele ? Si oui, où les situez-vous ?

Un tiens vaut-il mieux que deux tu l’auras (peut-être) ?

L’Iran semble avoir arrêté Olivier Vandecasteele pour contraindre les autorités belges à leur livrer, en échange, Assadolah Assadi (condamné à 20 ans de prison en Belgique pour avoir préparé un attentat terroriste de grande ampleur).

Ceci amène deux postures.
1. Certain·es sont favorables à cet échange. Cela permettrait en effet de libérer un innocent. La condamnation d’un innocent est, selon ce point de vue, l’injustice suprême et une société doit tout – absolument tout – mettre en œuvre pour respecter ce principe absolu.
2. D’autres sont défavorables à cet échange et avancent les arguments suivants.

Libérer un terroriste est dangereux. Ne pourrait-il pas recommencer et tuer d’autres personnes
Libérer prématurément une personne pour d’autres raisons que sa bonne conduite et ses perspectives de réinsertion est inéquitable pour toutes les autres personnes incarcérées. Elle doit purger sa peine comme elle y a été condamnée.
La décision de libérer un détenu serait cette fois prise par le gouvernement et non par le pouvoir judiciaire. Ce serait contraire au principe de séparation des pouvoirs, contraire à l’État de droit.
Donner satisfaction à des preneur·ses d’otages encouragerait cette pratique. Cela mettrait potentiellement en danger toute la société, Belges qui risqueraient d’être « pris en otage » ou victimes d’attentats.
Dans un cas, on sauve sûrement une personne, réelle, concrète, avec un visage. Dans l’autre cas, on sauve – peut-être – de plus ou moins nombreuses personnes, sans qu’il soit possible de leur donner ni nom ni visage. Qu’en pensez-vous ?

Olivier Van Steirtegem, le porte-parole de la famille Vandecasteele a dit, à l’antenne de la RTBF : « Mieux vaut [avoir] cent terroristes en liberté qu’un innocent en prison ». Qu’en pensez-vous ?

Deux poids deux mesures

Le régime iranien détient aussi d’autres « otages » occidentaux en vue d’obtenir des concessions des pays dont ils et elles sont ressortissant·es et des centaines d’Iranien·nes sont incarcéré·es pour avoir exprimé pacifiquement leur opinion. Certain·es ont été condamné·es à mort et, parfois, exécuté·es.

Qui se préoccupe de Narges Mohammadi ou du docteur Djalali, par exemple ? Les autorités belges ont refusé d’octroyer un titre de séjour à deux Iraniens qui risquent l’arrestation et les mauvais traitements en cas de retour au pays. Y a-t-il des vies plus importantes que d’autres ? Sur quelle base mérite-t-on plus d’attention ? « Mérite-t-on » sa nationalité ou est-ce le hasard qui nous a fait naître ici plutôt que là ?

Par ailleurs, depuis plus de vingt ans les autorités étasuniennes incarcèrent des prisonniers, dans des conditions inhumaines et dégradantes, au sein du centre de détention de Guantanámo, parfois sans inculpation ni jugement. Sommes-nous davantage « choqué·es » et prêt·es à nous mobiliser quand ce sont les autorités iraniennes qui ne respectent pas les droits humains que quand ce sont les pays occidentaux ? Cela fait-il une différence à nos yeux ?

Olivier Vandecasteele est un travailleur humanitaire. Il a contribué à améliorer la vie de très nombreuses personnes dans le monde, notamment en Afghanistan et au Mali. Il a travaillé cinq ans en Iran. Arrêter arbitrairement, condamner à une lourde peine et incarcérer dans des conditions épouvantables une personne qui a fait du bien est-il encore plus grave que s’il s’était agi d’une personne « ordinaire » ?

Le fait qu’Olivier Vandecasteele ait consacré sa vie à secourir les autres doit-il avoir pour effet qu’il faut le soutenir davantage que si ce n’était pas le cas, voire si c’était une crapule ?

Relais médiatique

Les médias parlent beaucoup d’Olivier Vandecasteele. Le 20 janvier, ils lui ont tous consacré leur Une. Cette pratique, peu courante dans un contexte de concurrence éditoriale, permet de réfléchir au traitement médiatique d’un sujet de société. Quel est l’objectif des médias en agissant ainsi ? Quel impact ce genre d’initiative a-t-il sur l’opinion publique ?

Avant cette opération des médias francophones, comment cette information vous était-elle parvenue ? Via le traitement des médias d’information classiques (radio, presse écrite, presse quotidienne en ligne, presse audiovisuelle ) ou par un autre canal (bouche à oreille, pétition, réseaux sociaux, etc.) ?

Cette opération permet également d’entamer une réflexion plus globale sur la dimension sociale des médias.

Quel média est le plus efficace pour diffuser une telle information, visant à toucher l’opinion publique ? L’efficacité réside-t-elle dans la complémentarité ?
Est-ce suffisant pour mobiliser les différents acteur·rices de la société ? Faut-il d’autres actions ? Passer par d’autres médias ? Si oui, lesquels sont les plus efficaces pour mobiliser ? Agir ?
Des médias ont interrogé la mère d’Olivier Vandecasteele, jouant davantage la carte de l’émotion que de l’information. Quelle place l’émotion peut-elle avoir dans une émission d’information ?

Signer une pétition

Signer une pétition, c’est marquer son soutien à l’idée qu’elle véhicule. Les jeunes peuvent-ils et elles les signer ? Certain·es prétendent que l’adhésion d’un·e jeune à une idée n’est pas encore très solide parce qu’il ou elle n’est pas encore en capacité de se forger une opinion éclairée. La Convention internationale des droits de l’enfants précise (voyez les articles 12 et 13) que les mineur·es (moins de 18 ans) doivent pouvoir s’exprimer. Ce qui se passe dans le monde peut les intéresser et les concerne.

Pensez-vous que votre avis vaut moins que celui d’un·e adulte qui a davantage d’expérience ? Pensez-vous au contraire que votre avis vaut plus que celui d’un·e adulte qui, en moyenne, a moins d’années encore à vivre ? Pensez-vous que les avis des adultes et des mineur·es sont équivalents ?

Note pour l’enseignement fondamental

L’incarcération injuste d’Olivier Vandecasteele permet de développer différentes compétences disciplinaires del’éducation à la philosophie et à la citoyenneté telles que :
• élaborer un questionnement philosophique (et plus particulièrement, formuler des questions à portée
philosophique à partir de l’étonnement) ;
• assurer la cohérence de sa pensée ;
• prendre position de manière argumentée ;
• s’ouvrir à la pluralité des cultures et des convictions ;
• comprendre les principes de la démocratie (particulièrement distinguer les différents pouvoirs, leur champ d’application et leurs rôles respectifs) ;
• se reconnaître, soi et tou·tes les autres, comme sujets de droits ;
• contribuer à la vie sociale et politique (en particulier imaginer un société et/ou un monde meilleurs).

Selon les âges, les enseignant·es pourront :
• expliquer (i) l’injuste condamnation d’un homme qui n’a rien fait et (ii) la pénibilité de ses conditions de détention ;
• répondre aux questions de clarification ;
• recueillir les émotions des enfants (comment voussentez-vous ? Pourquoi l’injustice nous met-elle dans des états pareils ?) ;
• Tout en découvrant les articles 12 et 13 de la Convention internationale des droits de l’enfant, faire rédiger, individuellement et collectivement, une lettre aux autorités iraniennes pour demander la libération d’Olivier Vandecasteele puis se rendre à la boîte postale pour y glisser leur enveloppe (adressée à S.E. l’Ambassadeur de la République islamique d’Iran – Ambassade de la République islamique d’Iran
– Avenue Franklin D. Roosevelt 15 – 1050 Bruxelles).

 

CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT (EXTRAITS)

Article 12 – 1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer
librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en
considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
Article 13 – L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant.

 

 

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