JANVIER 2025 Cette fiche est rédigée à l'attention des tou·tes les enseignant·e·s et éducateur·rices de secondaire. Elle propose différentes pistes de réflexion parmi lesquelles choisir afin de mener une discussion de 15 minutes (ou plus si le...
Meta assouplit sa politique de modération : pour quelle liberté d’expression ?
JANVIER 2025
Les faits
Début janvier, Mark Zuckerberg, le patron de Meta (maison-mère de Facebook, Messenger, Instagram et Whatsapp notamment) a annoncé vouloir renforcer la « liberté d’expression » sur ses plateformes, quitte à filtrer moins de contenus dangereux.
Parmi les évolutions à venir, le magnat de la tech renonce, aux États-Unis, au programme de vérification des faits (fact-checking) qui avait été créé pour lutter contre la désinformation. Instauré après la première élection de Donald Trump en 2016 (au cours de laquelle Facebook avait été vivement critiqué pour la diffusion incontrôlée de fake news susceptibles d’influencer le scrutin), ce partenariat habilitait des agences de presse et médias indépendants à épingler des contenus incorrects pour y ajouter du contexte. Désormais, Meta s’appuiera sur un système de « notes communautaires » rédigées par des internautes, jugés moins « partisans » par Zuckerberg.
Autres modifications : les restrictions sur certains thèmes comme l’immigration ou le genre seront levées et les contenus politiques seront davantage visibles dans les fils d’actualité. Pour opérer ces changements, les équipes en charge de la modération des contenus seront transférées de Californie (un État acquis aux démocrates) au Texas (plus conservateur).
Porte ouverte aux discours de haine
A l’aube du second mandat de Donald Trump, de nombreux observateur.ices ont vu dans cette annonce un gage offert au président élu, alors que ses soutiens se plaignent de longue date du programme de fact-checking, qu’ils comparent à de la « censure ».
D’autres craignent que ce revirement ouvre les vannes de la désinformation et des discours de haine, aggravant la radicalisation en ligne. Alors que les plateformes de Meta comptent des milliards d’utilisateur.ice.s dans le monde, les algorithmes sont conçus pour favoriser les publications qui génèrent le plus de réactions. En l’absence de garde-fous, les contenus extrêmes pourraient donc gagner en visibilité, au détriment de faits vérifiés.
La liberté d’expression régulée en Europe
Dans le sillage d’Elon Musk, patron de la plateforme X, Mark Zuckerberg s’en est également pris à l’Union européenne, qu’il accuse d’« institutionnaliser la censure » par des réglementations trop strictes. Ce que la Commission européenne a formellement réfuté.
En Europe, plusieurs textes législatifs régulent l’espace numérique et la liberté d’expression. Le Digital Service Act (DSA), par exemple, contraint les grandes plateformes comme Meta à respecter les lois qui interdisent les injures racistes ou sexistes, les incitations à la violence ou les contenus terroristes. Reste à voir si ces lois seront suffisantes pour résister à l’influence de la « big tech » américaine.
Penser les faits : quelques pistes
Au nom de la liberté d’expression…
Qu’est-ce que la liberté d’expression ?
La liberté d’expression est un droit fondamental qui permet à toute personne de s’exprimer publiquement sur tout sujet. Ce droit n’est évidemment pas absolu puisqu’il est encadré par des lois.
Faut-il fixer des limites à la liberté d’expression ? Dans quel but fixerait-on des limites à la liberté d’expression ?
Quelles sont, parmi les limitations suivantes de la liberté d’expression, celles qui vous semblent légitimes ?
- La diffusion d’informations inexactes, de fake news ?
- Les propos insultants, injurieux, déshumanisants ?
- La diffusion de messages qui ont ou pourraient avoir pour conséquence que des actes graves soient perpétrés (appels à la haine ou à la violence) ?
- Les atteintes à la vie privée des gens (informations telles que son état de santé ou son orientation sexuelle, etc.) ?
- La diffusion de messages « qui visent à la destruction des droits et libertés » (art. 30 de la Déclaration universelle des droits de l’homme). Faut-il tolérer les intolérants ?
Pour celles qui vous semblent légitimes, comment pourrait-on contrôler le respect de la règle et, si nécessaire, sanctionner les infractions ? Qui doit décider si la règle est enfreinte ou non ?
Liberté d’expression et inégalités ?
A la base, la promesse des réseaux sociaux était de donner une voix à tout le monde, de manière équitable. Or, les échanges, sur les réseaux sociaux (via notamment les commentaires laissés sur des publications) deviennent de plus en plus vifs. Ces échanges sont de nature à amplifier la polarisation (l’opposition) de points de vue de plus en plus radicaux.
Est-ce une bonne chose ? Quels risques cette évolution fait-elle peser sur notre société ? Quelle est la gravité de ces risques ?
Une chose est de pouvoir s’exprimer librement ; une autre est d’être entendu. Est-il normal que, dans une démocratie, la voix de certaines personnes soit davantage entendue que celle des autres ? Est-il normal que l’on entende, sur des questions de société, davantage que celle des autres, la voix des personnalités politiques / des représentants d’associations (syndicats, ONG, etc.) / des personnalités sportives / des stars et vedettes de la chanson ou du cinéma / des scientifiques / des riches ?
On constate également, sur les réseaux sociaux, que les femmes, les personnes immigrées ou issues de l’immigration, les LGBTQIA+… font l’objet de critiques acerbes, voire violentes. Cela mène parfois au (cyber)harcèlement. De nombreuses critiques ne portent pas sur ce que ces personnes expriment, mais sur leur identité.
Comment expliquez-vous cela ? Certaines d’entre elles, lasses ou parfois démolies, quittent ces réseaux sociaux, s’auto-censurent. Le comprenez-vous ? Qui peut et qui doit lutter contre ce phénomène ?
Et la vérité dans tout ça ?
Certain·e·s théoricien·ne·s estiment qu’avec le développement des réseaux sociaux et la création exponentielle de contenus, les faits objectifs ont désormais, dans des lieux de débat (réseaux sociaux, débats politiques) moins d’importance que les opinions développées par des personnes influentes.
Qu’est-ce qui définit ce qui est vrai ? Qui décide de ce qui est vrai ? Si une majorité pense quelque chose, cela en fait-il une vérité ?
Donner son opinion a-t-il la même valeur qu’exposer des faits ? Chacun peut-il croire ce qu’il veut sans que cela soit remis en doute, questionné ?
Est-il possible pour un individu de se forger une opinion quand l’information sur les faits n’est pas exacte ?
L’information, les médias et moi…
Une enquête récente sur les usages médiatiques des jeunes1 montre que les réseaux sociaux est l’une de leurs principales sources d’information. Pour beaucoup d’entre eux, les médias mainstream ne sont pas des sources d’information directe. Ils et elles consultent des articles de ces médias parce qu’ils leur sont recommandés sur les plateformes ou parce qu’ils et elles veulent approfondir une information lue sur les réseaux sociaux.
Qu’est-ce que l’information ? Que doit-on en attendre ? Avec quel média vous informez-vous ? Pourquoi ce média ? Lisez-vous du contenu produit par des journalistes ? Leur faites-vous confiance ? Pourquoi ?
Qu’est ce qui fait la qualité d’une information ? Comment est-il possible de vérifier une information ? Sommes-nous tous armé·es pour le faire ? A qui incombe le fait de vérifier une information ? Pourquoi ? Peut-il arriver que la vérification d’une information soit biaisée, partisane ? La vérification doit-elle se faire en interne ou via des instances externes et indépendantes, comme dans l’audiovisuel (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) ou encore dans le domaine journalistique (Conseil de Déontologie Journalistique) ?
Certains organes de presse sont détenus par des personnes privées – ayant des intérêts économiques et des opinions politiques personnelles. Ces personnes peuvent dès lors présenter l’actualité selon l’angle qui favorise leurs intérêts (politiques, économiques) et opinions. D’autres médias sont créés par les pouvoirs publics. Mais en Europe, les uns comme les autres sont tenus de respecter des lois, notamment en matière de pluralisme et de transparence.
Que vous semble-t-il préférable ? Quelles balises sont-elles nécessaires pour éviter la manipulation, voire la propagande ?
Des réseaux sociaux devenus incontrôlables ?
Les réseaux sociaux sont souvent perçus comme des lieux où tout doit aller vite. Les messages doivent être concis, simples et percutant. La réalité est pourtant souvent complexe, connaît des nuances, des exceptions, ne se laisse pas réduire à des slogans.
Percevez-vous les dispositifs mis en place par ces plateformes qui permettent de favoriser certaines informations/contenus (algorithmes, publicités personnalisées, recommandations, etc.) comme un danger ? Pour quelles raisons ?
Pensez-vous que les réseaux sociaux soient un atout ou un obstacle pour appréhender le monde réel ? Quels impacts pourraient-ils avoir sur nos démocraties ?
Les personnes qui détiennent ces réseaux sociaux sont-elles responsables des contenus qui y sont postés ? Les contenus publiés doivent-ils être régulés ? Par qui : les plateformes, les États, les utilisateur·rices eux-mêmes ? Qu’est-ce que cela augure pour le métier de journaliste ? Est-ce que rester sur un réseau social c’est cautionner ?
Comment faut-il sanctionner ceux qui ne respectent pas les règles ? Est-il normal que l’on ne puisse pas s’expliquer, se défendre quand un réseau social nous punit ?
Les réseaux sociaux sont des outils puissants par lesquels des puissances et personnes étrangères peuvent intervenir dans la vie démocratique d’autres pays. Est-ce un problème ? En quoi ?
En protestation avec les idées développées sur X, une vague de désinscriptions est prévue pour le jour de l’investiture du président Trump, le 20/01. Faut-il quitter des espaces dont on critique la gouvernance ou bien y rester pour être au courant de ce qui s’y dit ?
Bibliographie :
- Annonce vidéo de Mark Zuckerberg : Les Échos. (s.d.). Mark Zuckerberg annonce l’arrêt du fact-checking sur Facebook et Instagram aux États-Unis. [Vidéo]. https://videos.lesechos.fr/lesechos/sujet-actus/mark-zuckerberg-annonce-larret-du-fact-checking-sur-facebook-et-instagram-aux-etats-unis/xv88xsk
- À propos de l’annonce de Mark Zuckerberg : RTBF. (2025). Meta annonce la fin de son programme de fact-checking aux États-Unis : les vérificateurs sont trop orientés politiquement. https://www.rtbf.be/article/meta-annonce-la-fin-de-son-programme-de-fact-checking-aux-etats-unis-les-verificateurs-sont-trop-orientes-politiquement-11486030
- À propos des réglementations au sein de l’UE : Sud Ouest. (2025). L’Union européenne va-t-elle tenir le choc face aux provocations de la tech américaine ? https://www.sudouest.fr/international/europe/l-union-europeenne-va-t-elle-tenir-le-choc-face-aux-provocations-de-la-tech-americaine-22757114.php
- À propos du DSA : Vie Publique. (s.d.). DSA : le règlement sur les services numériques ou Digital Services Act. https://www.vie-publique.fr/eclairage/285115-dsa-le-reglement-sur-les-services-numeriques-ou-digital-services-act
- Podcast : RTBF Info. (2025). Les clés : Facebook en voie de Trumpisation ? [Podcast]. https://www.youtube.com/watch?v=Pkksv7geEeY
- Émission : RTBF Info. (2025). Les coulisses du pouvoir : liberté d’expression ou manipulation : quand les réseaux sociaux basculent dans la politique. https://auvio.rtbf.be/media/les-coulisses-du-pouvoir-l-edito-politique-les-coulisses-du-pouvoir-329046
- Enquête : Média Animation/CSEM. (2024). Les usages des écrans chez les moins de 20 ans (#Génération2024). https://generation2024.be/
- Convention européenne des Droits de l’Homme : Conseil de l’Europe. (s.d.). Convention européenne des Droits de l’Homme (Articles 10, 12, 15). https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/convention_FRA
- Déclaration universelle des Droits de l’Homme : Nations Unies. (1948). Déclaration universelle des Droits de l’Homme (Articles 19 et 30). https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/
Pour aller plus loin :
- L’impact des réseaux sociaux sur la démocratie, CSEM, coll.« Repères », 2022.
- Déjouer les pièges de la désinformation : fake news, pièges à clics, propagande …, CSEM, coll.« Repères », 2019
- S’exprimer sur internet dans le respect d’autrui et de façon responsable. La liberté d’expression et ses limites, CSEM, coll.« Repères », 2018
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